EN INAUGURANT, le 21 janvier dernier, l’extension de son unité de Jardres, dans la Vienne, Michel Édouard Leclerc, président de l’Association des centres du même nom, s’est exprimé sur le devenir de la pharmacie dans la grande distribution. Suite au projet de loi relatif à la consommation et à l’avis consultatif rendu en décembre 2013 par l’Autorité de la concurrence préconisant la vente des médicaments non remboursés ailleurs qu’en officine, il a rappelé sa position : « Je milite depuis longtemps pour cela, alors que les tests grossesses sont autorisés dans les lycées et pas en GMS. J’ajoute que pour les médicaments, l’État dérembourse de plus en plus, ce qui devrait poser la question de sa commercialisation. Et donc logiquement du monopole des pharmaciens. »
Un monopole qui devrait tomber à court terme, si l’on en croit Xavier Moinier, auteur d’un ouvrage spécialisé sur la question, titré « La stratégie marketing dans l’entreprise officinale ». Maître de conférence à la faculté de Sciences économiques de Poitiers, docteur ès sciences de gestion, il a publié de nombreux commentaires sur le sujet, et résume en quelques mots ses conclusions. « Cette disparition est inéluctable, prédit-il, même si le citoyen le regrette, accordant toujours à son pharmacien une grande importance dans le parcours de soins. La France reste un cas au sein de l’Europe en matière de gestion des médicaments sous contrôle de l’État. Cela ne signifiera pas pour autant la fin des officines, mais une autre organisation de leurs activités, avec des regroupements et, pourquoi pas, la naissance de franchises ou autres formes commerciales. »
Dans son ouvrage, Xavier Moinier développe ces théories, brossant dans les grandes lignes l’avenir de la pharmacie. Pour lui, à moyen terme, celle-ci aura à se confronter de plus en plus à l’action mercantile des grandes surfaces et à la perte de ses prérogatives.
Pour faire face au phénomène il prône la multiplication des groupements, voire la création, pour peu que de nouvelles lois l’autorisent, de véritables chaînes pharmaceutiques. Les pharmaciens, réunis en société ou toute autre structure, deviendraient ainsi propriétaires de plusieurs officines, sous une enseigne choisie, comme le font déjà de nombreuses entités commerciales. « On peut imaginer des franchises, ou des succursales, argumente-t-il, mais cela suppose la disparition du monopole de la propriété officinale. N’importe quel investisseur pourrait créer ainsi des groupements à buts lucratifs, en mettant sur les points de vente des pharmaciens, comme cela se fait déjà en parapharmacie et en GMS. M. Leclerc ne fait pas pire, et si demain on le laisse ouvrir ses rayons médicaments, il aura d’ores et déjà des diplômés pour les tenir. Plus rien ne l’empêchera ensuite d’ouvrir ses propres pharmacies… »
Une évolution inéluctable.
Est-ce pour autant la mort de l’officine traditionnelle ? Le spécialiste poitevin apporte une réponse plus nuancée, ne croyant pas plus à sa disparition qu’à celle des boulangeries artisanales menacées par les terminaux de cuisson. Celles-ci subsistent toujours, s’appuyant sur leurs qualités de service, de traditions, de savoir-faire et de bon pain. Mais il pense que l’univers pharmaceutique doit évoluer et évoluera par force.
« Les officinaux sont contraints par la loi sur plusieurs thèmes, allant de la vente des produits au suivi des patients. Mais la question qui se posera, si l’on met en place un jour ces chaînes ou autres franchises sera juridique : les conditions d’ouverture, les lieux, les jours de fermeture, etc.. Prenez les Leclerc, ils sont partout sur le territoire, est ce qu’il en sera de même pour des officines intra magasin qui proliféreront ou est ce qu’on en limitera le nombre sur un périmètre donné ? Il faudra donc leur imposer les contraintes identiques à celles d’aujourd’hui, et est-ce qu’ils les accepteront ? La loi devra s’appliquer à tous. »
Le regroupement – qui se fait bien entendu déjà sur le terrain – est également condamné à la mutation, comme cela existe d’ailleurs dans d’autres pays comme le Canada. Il n’y aura alors plus de limites au regroupement, bien au-delà de deux officines, une enseigne pouvant réunir des dizaines de points de vente. Avec le risque de dérives que cela implique, et les dangers d’une vulgarisation qui pourrait faire des pharmaciens de simples épiciers.
« Le patient y gagnera au niveau du prix du médicament, grâce aux centrales d’achat montées par ces enseignes, estime Xavier Moinier, mais il y a d’autres enjeux. Comme l’automédication, le maillage territorial, la survie des pharmacies rurales, etc.. Sans oublier les permanences de soin, les gardes, et le rôle de conseil du titulaire. Bref, la pharmacie de demain – on parle là de quelques années ou d’une ou deux décennies – ne sera plus celle d’hier. »
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