Blanc, noir, jaune, gris : si l’ambre des formulations magistrales se parait au XVIIe siècle de couleurs associées à des ingrédients divers, c’est bien l’ambre gris qui retenait alors l’attention de Madame de Sévigné qui nous a légué de précieuses observations sur les médicaments dont elle faisait grand cas et dont l’ambre constituait l’un des principes actifs les plus mystérieux. Pendant des siècles, il fut impossible de s’accorder sur la nature de cette substance trouvée sur les plages ou flottant sur les mers…
Ainsi, le voyageur Jean Chardin (1643-1713) rapporte dans ses Voyages de monsieur le chevalier Chardin en Perse et autres lieux de l’Orient qu’un auteur persan fait de l’ambre une espèce de naphte surgissant comme une fontaine au fond de la mer… À la même époque, le pharmacien Nicolas Lémery (1645-1715) le décrit comme « une matière précieuse, sèche, presque aussi dure que la pierre, légère, opaque, grise, odorante, qui se trouve en morceaux de différentes grosseurs, flottant sur les eaux en divers endroits de l’océan », ajoutant que « lorsque par la fermentation, on a mis ses parties en mouvement, il en exhale des soufres qui chatouillent fort agréablement le nerf de l’odorat ». À l’Âge Classique, l’ambre gris est probablement « la marchandise la plus précieuse et la plus chère que nous ayons en France » à en croire un autre apothicaire, Pierre Pomet (1658-1699), ajoutant que c’est « la drogue la moins connue et dont la nature et l’origine sont les plus contestées ». Les hypothèses avaient alors de quoi surprendre : écume durcie par le soleil ? Sécrétion de veaux marins condensée ? Excréments de quelque Léviathan ? Dérivé des rayons de cire et de miel que des abeilles faisaient sur des falaises surplombant la « mer des Indes » comme l’imaginait Lémery ? Qu’importe : dotée de multiples « vertus et facultés », cette substance « donnait de la vigueur pour l’acte vénérien aux hommes et aux femmes », « fortifiait le cœur et le cerveau et toutes les parties nobles », à la dose d’une à huit gouttes mélangée à quelque « liqueur cordiale ». Et, à défaut, il suffisait de la renifler pour en tirer les qualités…
Dans l’intestin du cachalot
Il fallut attendre le XVIIIe siècle et l’intensification de la chasse à la baleine pour qu’enfin soit percé le secret de l’ambre. Ni miel, ni écume : l’ambre natif était retrouvé dans l’intestin du cachalot. Une partie du mystère perdura longtemps encore car l’on ignorait pourquoi cet animal produisait cette substance particulière (en 1955 encore, La Nouvelle Officine ménageait l’opportunité de le tenir comme un agglomérat calcifié ou un calcul intestinal ou pancréatique du cétacé). En 1820, les pharmaciens Joseph Bienaimé Caventou et Pierre-Joseph Pelletier en isolèrent son constituant principal : une substance inodore, l’ambréine.
Initialement brun foncé, l’ambre vire au gris sous l’action de l’eau, du soleil et de l’air, alors que sa dégradation libère un mélange de composés inodores ou, comme l’ambroxide, puissamment odorants. Essentiellement trouvé sur les côtes de l’Océan Indien, il s’y échoue après une dérive qu’autorise sa faible densité (mais un poids moyen de quelques dizaines de kilogrammes). On sait désormais qu’il s’agit d’une concrétion produite probablement en réaction aux lésions que détermine dans l’intestin du cachalot l’accumulation des becs des calmars de grandes profondeurs constituant l’essentiel de son régime.
C’est au milieu du XXe siècle que l’on vit apparaître sur le marché des « ambres » de synthèse, dont l’ambroxide utilisé depuis en parfumerie et commercialisé sous divers noms (Ambrox, Ambroxan, etc.) : Stoll et Hinder, les premiers, mirent au point en 1949 sa production à partir du sclaréol, un terpène de l’huile essentielle de la sauge sclarée.
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