DURABILITY, reliability, excellence. Trois mots qui ont forgé l’acronyme de Durex. Durabilité, fiabilité, excellence. Trois mots qui semblent empruntés aux discours marketing les plus modernes. Trois mots, comme ceux de la devise d’une nation qui n’a pas toujours tenu le préservatif en estime. Retour dans les années 1920. La France sort exsangue de la Première Guerre mondiale. Il faut repeupler le pays. Toute incitation aux pratiques anticonceptionnelles est réprimandée. Des catalogues de pharmacie de l’époque en proposent, mais le préservatif est non grata. Suivent les lois vichystes du début des années 1940, qui accentuent la mise au ban. Au même moment, aux États-Unis, c’est l’envolée. Plus de 5 millions de préservatifs sont vendus en 1937. Pendant la guerre, lors des débarquements, les GI en font un usage bien particulier. Ils les enfilent au bout de leurs fusils pour les protéger du sable et de l’eau. Les « condoms » servent aussi aux marins pour protéger cigarettes et rations alimentaires. À l’époque, la grande marque de préservatifs, c’est déjà Durex. Elle est née en 1929, sous l’impulsion d’un certain Jackson. Cet entrepreneur anglais a fondé en 1915 la London Rubber Compagny, une société fabriquant de nombreux autres articles de santé, comme les gants chirurgicaux. Dès les années 1930, ce n’est plus le caoutchouc qui est utilisé pour la fabrication des préservatifs, mais le latex. On est bien loin des origines.
La première a avoir eu l’idée de cette protection est Pasiphaé, la femme de Minos, roi de Crète. Lasse de ses infidélités, elle lui jette un sort : son sperme contiendra serpents, scorpions et mille-pattes, pour anéantir les femmes avec lesquelles il s’accouple. Avisée du danger, Procris, la maîtresse de Minos, s’équipe d’une vessie de chèvre, pour se prémunir de la mortelle semence. L’idée de la protection des organes génitaux existe aussi dans l’Égypte ancienne. Le pénis de certaines momies était enveloppé d’un pochon coloré et décoré. Mais c’est sous les Grecs que les préservatifs apparaissent en tant que tels. Et pour les confectionner, tout l’élevage est mis à contribution. Des pochettes en vessie de chèvre, en intestin de porc ou en cæcum de bouc sont enfilées à visée contraceptive.
Le mal français.
Les Romains, qui ont beaucoup emprunté aux Grecs, reprennent le concept. Le préservatif diffuse dans le monde, où sa texture s’adapte aux cultures. Au Xe siècle, au Japon, il est fabriqué en écailles souples nacrées, tandis que, en Chine, il est fait de papier de soie huilé. En Occident, au Moyen Âge, le petit sac protecteur en boyau est encore en service. Son utilisation va s’étendre avec la syphilis, grande épidémie du XVIe siècle. Très rapidement, on sait que la transmission de cette maladie se fait par voie sexuelle. C’est l’anatomiste italien Gabriel Fallope (1523-1562) qui serait, selon certains textes, l’inventeur du préservatif tel que nous le connaissons. Il préconisait de placer autour du pénis un fourreau de toile imprégné d’un liquide médicamenteux pour se protéger des maladies vénériennes. Il en réfère dans son traité « De morbo gallico », Du mal français. C’est ainsi que les Italiens, les Espagnols et les Anglais désignaient la syphilis. Les Français parlaient plutôt de mal vénitien, les Portugais de mal espagnol… Fallope est un précurseur. Il organise un test grandeur nature : un millier d’hommes se trouvent épargnés par la syphilis en adoptant ce dispositif. Au XVIIIe siècle, les préservatifs sont fabriqués à partir de boyaux d’animaux, mais aussi en lin ou en soie, maintenus par un ruban, comme en témoignent des documents de l’époque. Sous l’Ancien Régime, l’usage du préservatif est réservé à des privilégiés. C’est à la Révolution, puis sous le Directoire, que son utilisation se démocratise.
Au XIXe siècle, l’histoire du préservatif suit les progrès de la chimie. Le dispositif est fabriqué à partir du latex extrait de la sève de l’arbre à caoutchouc, l’Hévéa brasiliensis. Sa dissolution dans la térébenthine en ébullition lui donne un caractère imperméable. Cette découverte de Pearl, en 1791, est reprise par Charles Macintosh. Dans son usine de Glascow, il produit les premiers imperméables puis, à partir de 1870, des préservatifs en caoutchouc. Par la vulcanisation de cette matière, on aboutit aux premiers préservatifs élastiques et résistants. Au début du XXe siècle, les publicités en faisant la promotion se multiplient. Mais le dispositif se heurte à la morale, qui voit d’un mauvais œil ceux qui en usent, les filles aux mœurs légères, les soldats en permission. Cela n’empêche pas le développement du marché. Curieusement, le préservatif conserve une connotation grivoise, alors qu’il pourrait être promu dans la prévention de la syphilis et de la gonococcie.
Orientation vers le plaisir.
La libération sexuelle imprime sa marque, dans la seconde moitié du siècle. En 1950, Durex crée le préservatif lubrifié. La production s’automatise. Et quelques années plus tard, la marque fait appel aux tests électroniques pour garantir la sécurité d’utilisation de ses produits. C’est une première. C’est seulement en 1960 que sont lancés les préservatifs réellement adaptés à l’anatomie masculine. Durex figure encore en première ligne pour cette innovation. Un changement de cap sociétal est amorcé. La contraception se libéralise. Elle n’est plus seulement mécanique, mais médicamenteuse, avec l’arrivée de la pilule. La loi Neuwirth de 1967 abroge les dispositions anti avortement de 1920. Puis, en 1974, la loi Veil dépénalise l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et libéralise la vente de contraceptifs en pharmacie. Cependant, elle ne promeut pas le préservatif masculin. Ce n’est qu’en 1987, après le déclenchement de l’épidémie de SIDA, que la France autorisera la publicité sur le préservatif. Il reste le moyen de prévention le plus efficace contre les infections transmises par voie sexuelle.
Dans les années 1980, Durex lance Sensilube, un fluide lubrifiant reproduisant les propriétés des sécrétions vaginales. La décennie suivante va marquer une transition importante pour la marque. Toujours teinté de tabous, le préservatif n’est plus seulement un moyen de contraception ou de prévention du VIH, mais un accessoire qui accentue les sensations. En 1990, il prolonge le plaisir, enduit d’un gel retardant l’orgasme. Cinq ans plus tard arrivent les premières références parfumées et colorées. Viennent ensuite les préservatifs en polyuréthane, destinés aux personnes allergiques au latex. À l’aube du nouveau millénaire, la marque développe le profil « easy on », permettant une pose plus rapide et plus simple. Toutes les références ont aujourd’hui adopté cette forme qui épouse au mieux l’anatomie masculine. Sauf Excita et Ultra Slim, la « petite taille ». En 2003, Pleasuremax est le premier préservatif micro perlé et nervuré. Avec Jeans et Feeling Extra, cette référence figure parmi les best sellers de la marque en France.
Le boom des gels.
Bien plus que d’autres en Europe, nos concitoyens sont friands de ces nouvelles sensations et plus enclins à en goûter la diversité. Loin du « tue l’amour », le préservatif est devenu un moyen d’agrémenter sa vie sexuelle, de se protéger aussi d’une certaine monotonie. Le dernier né de Durex, Real Feel, est « le préservatif qui sait se faire oublier », du fait de sa texture très souple. Apprécié lors des préliminaires, le gel de massage est moins prisé en France que dans les pays anglo-saxons. Ce n’est pourtant pas l’exotisme qui manque : le plus récent combine vanille et guarana… Les années 2000 ont vu aussi le lancement des accessoires. Outre un gel lubrifiant (2003), la gamme Durex Play comprend un anneau vibrant et des vibromasseurs, vendus en grande surface (2005). Petite subtilité, en 2007, l’anneau devient waterproof. Côté préservatif, en 2006, Avanti Ultima s’avance comme la première référence en polyisoprène. L’année suivante voit le lancement de gels lubrifiants parfumés à la cerise ou au pina colada. C’est aussi la naissance du premier « gel orgasmique féminin », nommé Durex Play O. Il s’agit cette fois d’aider les femmes à atteindre l’orgasme de façon systématique. Ce ne serait le cas que de 11 % d’entre elles, en France, indique une enquête de Durex. La marque veut coller aux attentes de ses utilisateurs en mettant en place différents programmes d’études et de recherche. En 5 ans, plus d’un million de consommateurs ont été interrogés sur leurs habitudes et leurs envies sexuelles. Les informations remontent de 26 pays. En France, plus de 18 000 personnes ont exprimé leurs desiderata à ce sujet. Le désir a aussi étreint le groupe britannique Reckitt Benckiser. En juillet dernier, il conclut un accord en vue d’acquérir son compatriote SSL International, entité regroupant Scholl et Durex depuis 1999. De quoi vraiment prendre son pied.
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