Le Quotidien du pharmacien. - La publication de la loi santé apporte deux changements notables, sur le plan juridique, pour les pharmaciens. Le premier concerne la suppression du seuil minimum de détention du capital des sociétés d’officine. En quoi cette disposition est-elle importante ?
Philippe Becker. - Un seuil de détention directe du capital des officines avait été instauré en 2005, et était fixé à 5 %, quelle que soit la forme de société utilisée. L’objectif était bien évidemment d’éviter l’apparition de faux associés.
Or on s’est aperçu que ce seuil de détention créait un conflit entre la loi réglementant la profession de pharmacien d’officine et un texte régissant l’intégration fiscale.
Pouvez-vous expliquer et nous dire ce qu’est l’intégration fiscale ?
L’intégration fiscale est un dispositif très utile lorsqu’on utilise un montage de holding (SPFPL) pour acheter des titres d’une société d’exercice libéral (SEL). Pour faire simple, ce dispositif permet de faire masse des profits et des déficits apparaissant dans les deux structures juridiques, qui sont liées entre elles comme si elles ne faisaient qu’une.
Mais la difficulté vient de l’une des conditions d’application de l’intégration fiscale : il faut que la holding détienne au minimum 95 % du capital et des droits de vote de la « SEL fille ». Lorsque l’opération est réalisée avec un seul pharmacien associé, il n’y pas de souci. Mais lorsqu’il y a plusieurs associés, le seul de détention directe de 5 % pose problème puisque, dans ce cas, la holding ne peut plus détenir 95 % du capital et des droits de vote de la « SEL fille ».
Il n’y avait pas de solutions alternatives ?
Pas vraiment, car l’autre possibilité qui existe, à savoir le régime mère-fille, est fiscalement moins performante. Modifier le seuil de 5 % était donc devenu une urgence depuis la sortie du décret sur les SPFPL d’officines en 2013. Voilà qui est fait maintenant avec la loi santé. C’est une bonne nouvelle pour tous les pharmaciens qui vont reprendre des parts de SEL dans les prochains mois.
Le deuxième changement concerne l’entrée des pharmaciens adjoints au capital des SEL. Pensez-vous que cette ouverture du capital aura du succès ?
Il faut rappeler que les adjoints pouvaient déjà prendre des participations dans des holdings de pharmacie. Le nouveau texte leur permet désormais d’entrer directement, à hauteur de 10 %, dans le capital d’une SEL, tout en conservant le statut de salarié. C’est donc plus simple et plus sécurisant pour les adjoints.
Pour répondre précisément à votre question, le succès de cette mesure viendra de la prise en compte des contraintes que crée, mécaniquement, ce nouveau texte. Si les pharmaciens dépassent ces contraintes, cela pourrait marcher !
Justement quelles sont les contraintes ?
D’abord, il faut que les titulaires acceptent de voir leur adjoint non plus comme un salarié « cadre technique », mais comme un associé. Cela veut dire accepter de lui donner de l’information sur la vie de la société. Ceci est d’ailleurs prévu par les statuts, il faut donc les lire avant de s’engager.
Au-delà de l’aspect juridique, il faut aussi que le titulaire et l’adjoint travaillent dans un esprit associatif, ce qui modifie forcément les relations et le niveau des échanges. Le point le plus important est que l’entrée de l’adjoint au capital doit être vue comme une première marche, qui se conclura par une prise de participation plus significative avec un statut de titulaire cogérant. Je n’imagine pas un seul instant que cet investissement de 10 % puisse être envisagé comme un simple placement à long terme.
Pourquoi ?
En officine, nous ne sommes pas sur un marché de titres librement négociables : la revente des titres peut s’avérer impossible si l’on ne s’entend plus. Il faut donc prévoir un mécanisme de sortie intelligente, inséré dans un pacte d’associés, et envisager tous les scénarios possibles. Rappelons-le en effet : l’adjoint associé est aussi lié à la société par un contrat de travail…
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