Les ambitions européennes d'Emmanuel Macron vont forcément se heurter à l'affaiblissement politique de ses principaux partenaires au sein de l'Union. Non seulement, l'Europe est affectée durablement par la défection britannique, mais l'Allemagne elle-même, première puissance économique de l'UE, ne semble pas vraiment avoir résolu sa crise politique. Après des mois de tractations plus complexes qu'un grand traité international, les conservateurs de la CDU et les sociaux-démocrates du SPD ont fini par conclure un accord de gouvernement qui semble les priver d'énergie, poser plus de problèmes qu'il n'en résout, et briser le cœur des signataires. Seule Angela Merkel semble sûre de son fait et tente de rassurer une population que l'interminable négociation entre les deux partis a visiblement inquiétée. Mais ses amis de la CDU-CSU lui reprochent les concessions trop nombreuses qu'elles a faites au SPD et leur blâme est si vif que des journalistes lui ont demandé si elle songeait à jeter l'éponge.
Elle a, bien sûr, répondu par la négative, mais on ne peut parler d'une joie débordante. Martin Schulz a démissionné de son poste de président du SPD, car il avait prématurément juré qu'il ne gouvernerait pas avec Mme Merkel, ce qu'il est bel et bien contraint de faire aujourd'hui. C'est un peu comme si les Allemands avaient inventé un gouvernement illégitime, composé de gens qui, ayant communié par nécessité, continuent à se détester. M. Macron se satisfait de la formation du gouvernement allemand de coalition parce que ses principaux leaders ont inscrit la relance de l'Europe à leur menu. Mais auront-ils seulement le minimum d'ardeur requis pour ce genre d'entreprise ?
En Italie, des élections législatives auront lieu le 4 mars, mais on sait déjà qu'elles enterreront le centre gauche réformiste qu'a su si bien incarner, en son temps, Matteo Renzi, au profit de la droite Celle-ci est représentée par Silvio Berlusconi, sorti d'outretombe, avec tout son attirail, implants capillaires et facelift qui a rapetissé ses yeux. Il promet la lune aux Italiens pour qu'ils votent pour son parti. L'Italie n'a plus le choix qu'entre la droite, l'extrême droite et les populistes du mouvement Cinq étoiles. Le vainqueur des élections ne sera pas, il s'en faut, pro-européen. M. Macron va sans doute perdre, avec les élections italiennes, un parternaire de choix, tandis que l'Espagne se replie sur sa crise catalane, comme si elle était saisie de douleurs abdominales.
Le Royaume-Uni dans la tourmente
Et s'il restait un faible espoir que les Britanniques se comportent comme des associés de l'Union européenne en dépit du Brexit, il est en train de disparaître. Les Anglais ont une excellente expression pour décrire leur panique actuelle : « You're damned if you do, you're damned if you don't ». Ce qui veut dire que, pour la Première ministre Theresa May, achever le Brexit ou y renoncer revient au même : il est bien peu probable qu'elle survive politiquement au maelström que le referendum de 2016 a déclenché. Tandis que ses « amis » conservateurs sapent son autorité en la soupçonnant publiquement de conduire trop mollement la négociation avec la Commission européenne, la moitié du pays, vent debout contre la sécession britannique, réclame un nouveau référendum. Non seulement le Royaume-Uni devra payer la lourde facture qu'entraîne sa sortie de l'Union, mais il va vite devenir ingouvernable : la césure traverse en effet les conservateurs comme les travaillistes. La gauche de Jeremy Corbin ne semble pas plus pro-européenne que Boris Johnson, qui passe son temps non pas aux affaires étrangères, mais à détruire systématiquement Mme May, parce qu'il veut sa place.
En d'autres termes, la montée des populismes menace la stabilité de chacun des gouvernements de l'UE et les prive du dynamisme qui aurait conduit à d'indispensables réformes dans la fiscalité, la sécurité financière, le budget européen, et tant d'autres choses, à commencer par l'idéal européen et démocratique qui n'a jamais été autant ignoré depuis les débuts de la Communauté européenne.
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