Bilan économique de l’officine

Décryptage des premières tendances pour 2019

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Publié le 09/01/2020
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Les tendances observées au cours des années précédentes se sont confirmées lors de l’exercice 2019, comme l’atteste la première analyse des experts du cabinet Fiducial. Le chiffre d’affaires des pharmacies est dopé par les médicaments chers, l’évolution de la marge brute est quasiment atone, tandis que la rentabilité pourrait être entamée par une hausse significative des frais.
graphique

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Crédit photo : Caroline Victor-Ullern

camembert

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Crédit photo : Caroline Victor-Ullern

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Crédit photo : Caroline Victor-Ullern

Le Quotidien du pharmacien.- Chaque année vous faites un premier sondage « sortie des urnes » sur l’activité de l’année écoulée. Quelles sont selon vos observations les tendances qui marqueront l’année 2019 ?

Philippe Becker.- Nous avons effectivement recueilli quelques informations économiques sur un panel de 337 pharmacies qui ont clôturé leur exercice comptable sur les 3 premiers trimestres 2019, principalement entre le 1er février et le 30 juin. Nous sommes donc sur un petit panel (1,5 % des officines françaises) et par conséquent il faut regarder cette étude avec recul. Cela étant précisé, nous notons, comme l’an dernier, une petite progression de l’activité de 1,43 % qui s’est maintenue à un niveau quasi identique sur les trois trimestres considérés.

Comment expliquez-vous ce petit rebond de l’activité ?

Christian Nouvel.- Nos remontées du « terrain » indiquent un sensible accroissement de la part des médicaments chers, alors que nous constatons, à travers différentes études qui ont été publiées dernièrement, un volume de médicaments prescrits en baisse. Ce phénomène, nous l’avions déjà relevé l’an dernier. Aujourd’hui l’activité des officines françaises est principalement « drivée » par des effets de structure des prix dans un sens comme dans l’autre ! On ajoutera que cette évolution positive de l’activité masque des situations toujours très différenciées puisque 55 % des officines sont en hausse, avec une progression moyenne de 5,12 %, alors que 45 % sont en baisse de 3,12 %. Ce sont des constats que nous faisons depuis plusieurs années, et 2019 ne modifiera pas cette tendance.

Quel est le profil des officines qui régressent en matière d’activité ?

Christian Nouvel.- Les officines qui ont un CA inférieur à la moyenne de notre étude, avec une forte constante sur les pharmacies de moins d’un million.

En ce qui concerne la marge brute, autre sujet sensible, quelle aura été sa variation en 2019 ?

Philippe Becker.- En valeur absolue, on peut parler de stabilité, voire de très légère progression, contrairement à la situation de 2018 comparée à celle de 2017. Cette tendance est constante sur la période étudiée. En valeur relative, la marge brute rapportée au chiffre d’affaires diminue légèrement, ce qui est très probablement la conséquence du développement des produits chers dans l’activité remboursable.

Si nous ne relevons pas dans cette première étude de signes inquiétants, il n'en demeure pas moins vrai que cette quasi-stabilité de la marge en valeur absolue sera insuffisante pour absorber l’augmentation mécanique des frais de personnel et des frais fixes qui, dans les dernières années, ont progressé plus vite que l’inflation.

Par conséquent, estimez-vous d’ores et déjà que la rentabilité des pharmacies pourrait avoir été affectée en 2019 ?

Christian Nouvel.- Nous n’avons pas encore chiffré de manière précise une baisse mais nous l’anticipons de l’ordre de - 0,2 % à - 0,3 % du chiffre d'affaires hors taxes. Les pharmaciens, depuis dix ans, ont fait des coupes sombres dans de nombreux postes de frais pour maintenir un semblant de profitabilité. Nous avons le sentiment qu’ils ne pourront pas aller au-delà car il y a des tensions pour trouver du personnel qualifié, et donc une pression à la hausse sur les niveaux de rémunération. Et puis les nouvelles missions et l’approche « service » qui en découle nécessitent déjà de l’investissement en personnel et aussi l’aménagement des locaux. Tout cela a un coût qui devra être mieux rémunéré dans un futur proche si on veut voir les officinaux s’y impliquer et équilibrer leurs comptes !

Donc, en conclusion, une année 2019 sans trop de mauvaises nouvelles !

Philippe Becker.- Il faudra attendre les résultats du dernier trimestre 2019 pour en être totalement certains, mais on peut parler d’une année sans grandes surprises qui ne modifie pas les grandes tendances qui ont marqué les périodes précédentes, avec des « mouvements millimétriques », mais aussi toujours cet affaiblissement de l’économie du réseau des petites officines qui est inquiétant.

Propos recueillis par Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3568