Singulier avatar de la « théorie des signatures » ! En quête de la pierre philosophale, qui transmutait, croyait-on, tout métal en or, Hennig Brandt (1630-1692), négligeait ses activités de négociant en grains à Hambourg pour se consacrer à l’alchimie et s’était persuadé que la coloration dorée de l’urine témoignait de son pouvoir à transformer la matière vile en métal précieux… Il cherchait ainsi à faire réagir lors d’une longue cuisson au four des métaux vulgaires avec un extrait noirâtre obtenu en concentrant de l’urine. C’est un beau matin de 1669, après avoir distillé une quantité considérable d’urine en présence de métal, qu’il découvrit une étonnante substance blanchâtre déposée sur les parois de l’alambic. Elle s’enflammait spontanément à l’air et dégageait des vapeurs suffocantes sitôt sortie du flacon. Il l’appela phosphorus, du grec phosphoros signifiant « qui porte la lumière » car, exposée à l’air, elle émettait une lumière visible dans l’obscurité (1).
Émerveillé par sa découverte, il adressa un peu de phosphore à Johann von Löwenstern-Kunckel (1620-1703), alchimiste à la cour de l’électeur de Saxe, Johann-Georges II, sans lui révéler sa technique d’obtention. Ce dernier, à son tour, en parla à Daniel Kraft, un ami de Dresde, qui n’hésita pas une seconde : il partit à Hambourg et obtint la recette pour 200 thalers et la promesse d’en tenir le secret. Il refusa de le partager avec Kunckel qui se résolut à isoler lui-même le produit lumineux. Même en se doutant qu’il provenait de l’urine, objet connu des préoccupations de Hennig, il lui fallut 5 ans d’efforts. Nous étions alors en 1674.
Médicament luminescent
Très vite, ce métal, pourtant particulièrement toxique, fut utilisé en thérapeutique : Kunckel fit fortune en commercialisant des pilules luminescentes et Kraft l'utilisait pour soigner la diarrhée, l'épilepsie et la fièvre maligne… La méthode de préparation du phosphore resta secrète jusqu’à ce qu’un mystérieux Allemand arrivé à Paris - et resté anonyme -, l'exécute devant des chimistes de l'Académie dont Jean Hellot (1685-1766) qui la détailla en 1737 : elle consistait à évaporer de l’urine fermentée à siccité puis à chauffer fortement le résidu dans une cornue de grès dont le col plongeait dans l'eau. Ce corps si rare, l'un des objets les plus précieux, était exposé dans les cabinets de curiosité des Cours royales.
Près de trente ans plus tard, en 1769, le chimiste suédois Johann Gottlieb Gahn (1745-1818) en découvrit dans les os et publia avec Karl-Wilhelm Scheele (1742-1786) un procédé permettant d’en récupérer des quantités notables qui facilitèrent son étude notamment par Bertrand Pelletier (1761-1797) et Antoine Lavoisier (1743-1794).
1) On sait désormais que ce phénomène résulte d’une oxydation en surface du phosphore blanc, qui produit des dérivés oxydés instables, HPO et P2O2, émettant de la lumière en se décomposant : cette luminescence chimique ne doit donc pas être confondue avec la phosphorescence, qui est un processus physique.
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