Parmi plusieurs types de gaz de combat, l’un des plus effroyablement efficaces fut employé dès la Première Guerre mondiale : l’ypérite. Ce gaz vésicant est demeuré célèbre sous un nom qu’il doit à une ville belge : la première offensive exploitant sa toxicité fut en effet lancée par les Allemands à Ypres le 22 avril 1915 et fit 20000 victimes dont 5000 moururent intoxiquées et brûlées. Du côté des lignes allemandes, il devait son acronyme de «LOST» à la combinaison des noms de deux chimistes des laboratoires Bayer, Wilhelm LOmmel et Wilhelm STeinkopf (1879-1949), qui avaient développé une méthode de production en masse du liquide, permettant son utilisation militaire.
Rapidement à leur tour, les chimistes français André Job (1870-1928) et Gabriel Bertrand (1867-1962) analysèrent le produit employé par les Allemands, et en proposèrent une nouvelle technique de synthèse qui permit d’accélérer d’un facteur 30 la durée de sa préparation : il fut dès lors possible à la France d’utiliser en masse l’ypérite qui compta sans doute pour beaucoup dans la victoire de la seconde bataille de la Marne (dite bataille de Reims) durant l’été 1918 - il y a exactement un siècle -.
Ce liquide huileux, jaune, ayant une très forte odeur alliacée (expliquant son nom de « gaz moutarde ») était dispersé lors d’explosion d’obus qui en étaient emplis. Un simple contact avec le nébulisat, même à travers des vêtements ou des bottes et masques en caoutchouc, induisait des brûlures et des cloques douloureuses, une inflammation des paupières et des yeux entraînant une cécité temporaire, mais aussi des hémorragies internes. Les victimes décédaient au terme de quelques semaines d’agonie, généralement par œdème du poumon.
Le soufre rempacé par l'azote
Le gaz moutarde fut utilisé par la suite lors d’autres conflits. Le 2 décembre 1943, dans le port de Bari (Italie), un cargo américain, le SS John Harvey, devait rapatrier aux États-Unis une cargaison secrète - constituée en fait de 2000 obus d’ypérite ! - lorsqu’une attaque de la Luftwaffe le détruisit ainsi que plusieurs autres navires. De nombreux marins et des civils furent contaminés, et près d’une centaine en moururent. Finalement, l’étude de prélèvements anatomiques chez les survivants montra que l’ypérite tuait les cellules à division rapide, comme notamment celles de la moelle osseuse. Des médecins de l’université de Yale soupçonnèrent que cet agent pouvait de ce fait être utilisé pour supprimer les cellules cancéreuses. Pour obtenir des substances moins toxiques et plus faciles à manipuler, l’atome de soufre fut remplacé par un atome d’azote, livrant la méchloréthamine (Mustargen). Désormais plus connu comme chlorméthine, ce fut le premier composé de la classe des «moutardes à l’azote» testé par voie IV dans le traitement d’hémopathies malignes (maladie de Hodgkin, etc.) sous l’autorité du cancérologue militaire américain, Cornelius P. Rhoads (1898-1959), au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center de New York. Les résultats cliniques ne furent toutefois publiés qu’en 1946 pour cause de secret militaire : ils inaugurèrent le développement des agents alkylants en cancérologie.
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