CINQ HEURES du matin, dans le massif vosgien du Markstein. Nous sommes à 1 200 mètres d'altitude. L'air est encore frais. Les premiers jours d'été ouvrent la période de cueillette de l'arnica, qui doit durer 2 à 3 semaines. Il faut faire vite. « L'or des montagnes » sera livré quelques heures plus tard. Une dizaine de cueilleurs sont déjà à pied d'œuvre, pour le compte du Laboratoire Weleda, qui s'approvisionne dans cette dernière grande région productrice depuis près de 50 ans. C'est lui qui exige une collecte avant l'aube, pour préserver au mieux les propriétés de la plante. Nos cueilleurs ne s'en plaignent pas. Ils sont près de 60, au total, travaillant pour une poignée de fabricants souvent axés sur l'homéopathie. Professionnels de la culture ou de l'élevage, ces saisonniers lâchent veaux, vaches, couvés et plantes médicinales pour s'assurer un complément de revenus non négligeable. L'arnica est revendue à Weleda 50 euros le kilo de fleurs séchées et 6 euros le kilo de plante entière. « Nous choisissons des fleurs bien développées. Nous ne savons que quelques jours avant si la floraison sera bonne », commente René Pierrot, l'un des meneurs de la troupe de cueilleurs. D'un léger craquement, la plante est arrachée. Sommités fleuries, tige et racine sont collectées dans des paniers ou des sacs portés sur la poitrine. On parle de l'arnica comme d'une grande dame. Élégante, généreuse, mais exclusive et terriblement capricieuse. Fragile, elle doit être préservée. Une convention signée en 2007 entre cueilleurs, labos et pouvoirs publics fixe un code de bonne conduite. Ce protocole de cueillette exige, par exemple, qu'il soit laissé au moins une tige fleurie tous les 5 mètres carrés. « Le rhizome n'est sectionné qu'au tiers. Et nous ne prélevons qu'une fleur sur trois », détaille René Pierrot. La coupe ne raréfie pas l'espèce. Au contraire, précise t-il. De la racine renaissent une rosette et une nouvelle hampe florale.
Conflit avec les agriculteurs.
Mais l'arnica est en péril. Les plus anciens cueilleurs disent que la moitié de la surface de collecte a disparu en 20 ans. Les conditions climatiques et l'agriculture intensive sont montrées du doigt. 2009 n'est pas une grande année pour l'arnica, contrairement à l’an dernier. « Nous sommes passés trop vite de l'hiver à l'été, sans qu'il ait plu suffisamment », explique le cueilleur. Chassés par le développement d'installations touristiques, les troupeaux broutent plus haut dans la montagne. Les agriculteurs répandent engrais et lisier pour favoriser la pousse des herbes, qui étouffent la plante d'or. Et puis, rendu alcalin, le sol est fatal à l'arnica qui ne pousse que sur une terre de lande acide.
L’équilibre entre les intérêts de chacun n’a pas été si simple à trouver. Les municipalités, qui accordent les autorisations de prélever l'arnica (moyennant 100 euros par collecteur pour la saison), jouent le compromis. Elles ont compris la nécessité de maintenir l’activité de cueillette, dans le massif, sur cette zone de 20 hectares qui leur appartient. Depuis, la guerre entre éleveurs et défenseurs de l'arnica s'est un peu apaisée. En tout cas, son écho ne résonne pas jusqu'en ville. Il y a peu, enquêtant sur la plante, une jeune femme demande à l'office du tourisme de Gérardmer où trouver de l'arnica. La réponse est directe, sans ironie : « Et bien, à la pharmacie ! »*. Paradoxalement, pour être préservé, le trésor des Vosges gagnerait à être un peu plus connu.
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