UN SITE WEB, pour quoi faire ? La question peut paraître incongrue à l’heure où la Toile s’impose dans la majeure partie des secteurs de l’économie française. Mais pour un pharmacien dont le travail repose avant tout sur le contact avec les patients et le conseil, les avantages d’Internet ne paraissent pas toujours évidents. Aujourd’hui, si l’on comptabilise le nombre d’officines équipées de sites recensées par les prestataires, les groupements pour l’essentiel, on aboutit à une fourchette située entre 1500 et 2000. Considérant les passionnés de technologie parmi les pharmaciens, on peut réévaluer ce chiffre et l’on parvient à une proportion supérieure à 10 % de l’ensemble des officines qui proposent un site Internet. Cela reste faible. Peut-être parce qu’il n’est pas évident de trouver les réponses aux vraies questions qui se posent : un site internet, oui, mais à quel prix, et comment le faire vivre ?
Si l’on regarde du côté des prestataires, on s’aperçoit que les éditeurs informatiques sont peu nombreux, aussi, à proposer ce service. Le seul actuellement à le faire est Pharmagest avec son offre Pharmattitude, Winpharma devrait le rejoindre dans l’année qui vient. « Le cœur de métier d’un éditeur est la gestion officinale, confie Marie Hentz, chef de produits chez Pharmagest, et la création de sites internet pour le compte de pharmaciens est une activité satellite, et ce d’autant plus que les officines sont encore peu sur le net ». Mais la demande existe et ce sont les groupements qui ont décidé de prendre en charge cette prestation : ils sont de plus en plus nombreux à le faire ou à avoir des projets. Ce n’est pas complètement un hasard. « Le jeu de la mutualisation des moyens permet aux groupements d’assumer ces prestations à un coût bien inférieur à celui que le pharmacien aurait à supporter seul dans son coin » argumente Yves Morvan, PDG de Direct Labo, résumant ainsi la position de la plupart des groupements. Les prestations sont proposées soit dans le cadre des cotisations des adhérents au groupement, soit à des tarifs qui restent modestes au regard du prix moyen de la création d’un site, d’environ 3 000 euros selon Yves Morvan.
Des mises à jours régulières.
La question la plus délicate est néanmoins ailleurs : comment faire vivre un site Internet ? Un site vitrine donnant juste des informations de base sans mise à jour régulière est un site qui ne vit pas, et ne sert donc à rien. C’est un point sur lequel les pharmaciens doivent être vigilants. C’est pour cette raison que souvent les groupements assument l’essentiel du contenu de ces sites. « Un contenu qui se renouvelle est la clé du succès d’un site, or les pharmaciens, pour la plupart d’entre eux, n’ont pas suffisamment de temps pour s’y consacrer » explique Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv.
Tous les prestataires font néanmoins en sorte que le pharmacien puisse personnaliser au mieux son site web. Illustrations, avec parfois même des diaporamas ou des vidéos, informations relatives à l’officine, horaires d’ouverture, présentation du personnel et de ses compétences, des spécialités de l’officine, informations santé que le pharmacien assume lui-même, tout cela est possible. On lui laisse la main tout en l’encadrant, comme par exemple le bornage pratiqué par PHR. « Quand un pharmacien vient mettre son actualité, comme par exemple, les congés de son officine, il y a un bornage temps qui impose une date de parution et une durée précise de diffusion » explique Philippe Aufrère, conseiller du groupement. Cela évite entre autres de laisser les dates de vacances d’été au mois de novembre. La personnalisation graphique est elle aussi encadrée. « La mutualisation structurelle, donc des coûts, impose un cadre commun aux couleurs du groupement, précise Claude Rémy, président d’Alrheas, mais a priori, les adhérents n’ont pas tendance à renier la charte. Sous l’identité commune du réseau, chaque pharmacie a le loisir de présenter ses spécificités. »
Une charte graphique.
Cette charte graphique est avant tout la signature des groupements, qui veulent faire d’une pierre deux coups, valoriser leur propre image, voire leur offre, comme c’est le cas de Népenthès qui a sa propre gamme de produits parapharmaceutiques et celle de leurs adhérents en leur offrant un site Internet. « L’adhérent signe une charte qualité pour assurer une homogénéité de présentation » précise Alexandre Aunis, directeur de la stratégie points de vente du groupement. Bon nombre d’entre eux ont donc un portail par l’intermédiaire duquel les clients peuvent accéder à la liste des adhérents (avec le plus souvent un localisateur géographique), dont ceux qui ont un site, et visiter ledit site en passant par le portail. Mais cette solution n’est pas exclusive et certains groupements proposent aussi un accès direct sans avoir à passer par un portail. Pharmactiv a même commencé par proposer la création de sites internet à ses adhérents avant même de posséder un portail. Ce n’est pas anodin car il faut des noms de domaine différents de celui du groupement, et des méthodes de référencement efficaces pour que les clients puissent accéder au site web de leur pharmacien sans avoir à passer par un portail de groupement. Toutes ces prestations sont incluses dans leurs offres. Mais cela ne dispense pas le pharmacien de faire connaître son adresse Internet, sans que cela n’apparaisse pour autant pour de la publicité déguisée.
Prudence sur le commerce en ligne.
La plupart des sites créés par et pour les pharmaciens sont avant tout des sites d’information. Certains groupements commencent à proposer des sites marchands, mais dans ce domaine, tout le monde marche sur des œufs, tant on craint d’aller contre la loi. Celle-ci réglemente de manière stricte l’exercice de la vente sur Internet, non sans ambiguïté, comme le souligne le conseil de l’ordre lui-même (voir encadré ci-contre). Mais le fait est que cela inhibe bien des initiatives. Pourtant, la multiplication des sites de ventes, au moins en parapharmacie, est un phénomène qui prend de l’ampleur, et il faudra bien que les pharmaciens affrontent cette concurrence avec les outils adaptés. Les groupements sont loin d’ignorer l’impact de cette concurrence et les contraintes légales ne sont pas les seules à limiter leur action, la nature même de l’activité recèle ses propres pièges. Giphar, qui caresse le projet de proposer la création d’un site de commerce électronique à ses adhérents, en affirme d’emblée les limites : « cela ne concernera que les produits non soumis à AMM, précise ainsi Michel le Hir, président du directoire. Il n’y a pas lieu en France de vendre des médicaments sur Internet, le marché est organisé et encadré et la vente sur Internet n’est guère agressive en comparaison de ce qui se fait en Allemagne par exemple. » Il en souligne aussi les complexités : « c’est un projet plus difficile à mener, il faut s’adosser à des spécialistes. » Giphar fait en effet appel à ses équipes internes pour la création des sites d’information. Pour d’autres, vendre sur Internet pose des questions de fond délicates auxquelles il est difficile d’apporter des réponses toutes faites.
« Quand un pharmacien ouvre un site en ligne, soit il pratique des prix analogues à ceux de son officine, et l’internaute les juge comme trop chers par comparaison avec ce qui se fait sur Internet, soit il réduit ses prix et se fait concurrence à lui-même » explique Philippe Aufrère. Voilà le dilemme auquel les pharmaciens sont confrontés. « Le groupe PHR a certes des idées sous le coude, mais de toute évidence on n’ira pas contre l’intérêt du point de vente. » Le prix n’est pas la seule donnée à prendre en compte, la logistique n’est pas simple, même si l’univers de la pharmacie est doté d’une des logistiques les plus perfectionnées qui soit, il faut savoir gérer un double stock (l’un pour le point de vente, l’autre pour le site). Il faut également, et entre autres, faire de la veille concurrentielle sur Internet, penser à récupérer les adresses mail des patients (et ne pas les laisser à autrui)… C’est dire si l’activité de commerce électronique est autrement plus complexe que celle de la gestion d’un site d’information.
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