LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Qu’est-ce qui vous a conduit à choisir comme sujet de thèse la pharmacovigilance et son application au cas du Mediator ?
FLORE MICHELET.- La pharmacovigilance est un sujet qui m’intéresse et auquel je songeais pour ma thèse à la fin de ma 6e année. Début novembre 2009, avant même le retrait du Mediator, j’ai eu écho des études menées au CHU de Brest par les médecins Irène Frachon et Grégoire Le Gal. J’ai donc pris contact avec eux. Il m’a d’abord fallu leur expliquer le cursus pharmaceutique, qu’ils connaissaient mal. À Brest, en effet, il n’y a pas de faculté de pharmacie. Puis le Pr Le Gal est devenu mon directeur de thèse et le Dr Irène Frachon, membre du jury.
Aviez-vous conscience, à ce moment, que vous touchiez du doigt un dossier délicat ?
J’ai voulu traiter le thème de la pharmacovigilance et l’illustrer par le cas particulier du retrait du Mediator. Celui-ci était à la fois parlant et d’actualité. Je n’ai pas tout de suite pensé au caractère sensible du sujet, mais j’ai vite compris qu’il me fallait faire très attention. Rien ne pouvait être avancé sans preuve. J’ai pris les informations avec précaution, m’appuyant sur une importante bibliographie. Les deux médecins ont été très disponibles, me donnant accès à tous leurs documents. Cela m’a permis de travailler très vite. Le plus gros du travail a été réalisé entre janvier et mai 2010. Je sentais qu’il y avait urgence à finir ma thèse, du fait de son caractère d’actualité, pour qu’elle puisse servir à d’autres. Mais, au fond, je ne pensais pas qu’elle serait exploitée à ce point. En règle générale, les thèses ne sont pas valorisées. C’est dommage.
Ce caractère d’actualité, et la chronologie des événements, font que vous receviez régulièrement des éléments nouveaux.
Oui. J’ai ainsi eu connaissance de résultats décisifs émanant de l’Assurance-maladie. Ils se sont ajoutés aux données du CHU de Brest, sur lesquelles les médecins ont basé leur étude rétrospective. Tout au long de mon travail, j’ai également été amenée à lire et relire les épreuves de l’ouvrage d’Irène Frachon. Ma démarche était différente de la sienne. Dans le cadre de ma thèse, je devais respecter une certaine réserve. Avec son livre, Irène Frachon, elle, voulait interpeller le grand public, expliquer ce qui s’était passé. Je dois avouer qu’en voyant son énergie et sa persévérance, j’ai vite compris qu’elle finirait un jour par se faire entendre.
La question-titre de son livre, « Mediator, combien de morts ? », c’est vous, finalement, qui y répondez, en page 106 de votre thèse.
Irène n’y répond pas car il aurait fallu qu’elle le justifie, or c’est difficile d’avancer un chiffre sans tout expliquer. Le chiffre de 500 à 1 000 décès imputés au Mediator est obtenu en recoupant les informations de différentes sources. Je présente cette estimation dans ma thèse. Au début, je me suis demandé si je devais l’indiquer. Pour moi, ce n’était pas un point crucial de mon travail. Je ne l’ai même pas évoqué lors de ma soutenance. C’est pourtant ce chiffre qui a déclenché l’emballement médiatique.
Ce chiffre, que vous avez été la première à avancer, vous a valu d’être entendue par la mission d’enquête sur le Mediator, à l’Assemblée nationale, le 26 janvier. Comment avez-vous vécu cette audition ?
Très bien. C’est bien sûr très impressionnant de se retrouver face aux députés. Je suis intervenue pendant une vingtaine de minutes, aux côtés d’Irène Frachon et Grégoire Le Gal.
Était-ce pour vous comme passer une seconde fois votre thèse ?
Oui c’est presque ça, mais avec davantage de stress !
Et aujourd’hui, évoquez-vous encore le Mediator à l’officine ?
Au tout départ, nous en parlions au comptoir et entre collègues car nous avions un rôle à jouer pour expliquer la conduite à tenir chez les patients exposés. Depuis, les patients ont tous été bien informés, l’inquiétude s’est reportée sur le système de pharmacovigilance en général.
Selon vous, qu’est-ce que cette affaire peut avoir changé dans l’exercice officinal quotidien ?
La prise de conscience est là. L’été dernier, les pharmacies où j’ai travaillé comme remplaçante ont fait des recherches pour retrouver les patients concernés, à la demande des autorités sanitaires. Très vite, elles ont pu établir des listes et renvoyer vers les médecins. Ces derniers ont plus d’arguments, aujourd’hui, pour refuser de prescrire un médicament sous la pression de leur patient. Pour ma part, j’essaye d’être attentive aux ordonnances avec des produits déjà anciens, qui n’auraient pas fait l’objet d’une réévaluation. De façon générale, il faudrait se poser plus de questions. Pour le Mediator, est-ce que le patient savait vraiment ce qu’il prenait ?
Est-ce que le pharmacien savait à chaque fois quel était l’objectif du traitement, les effets indésirables encourus ? Dans la pratique, ce n’est pas parce qu’un médicament est commercialisé qu’il ne présente pas de danger. C’est ce qu’on peut penser de façon un peu naïve en sortant de la faculté.
Avez-vous le projet de vous installer ?
Pas dans l’immédiat. J’aimerais d’abord m’attacher au cœur de métier avant de m’intéresser à des domaines annexes. C’est pourquoi, avec un confrère, Sébastien Jéglot, je suis pharmacien référent pour le Collège des hautes études en médecine, le CHEM*, un organisme de formation indépendant des laboratoires. Il s’adresse aux médecins et aux pharmaciens en Bretagne.
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