LES PROBLÈMES FINANCIERS rencontrés par les pharmaciens sont hélas devenus, aujourd’hui, fréquents. Les causes de ce phénomène sont multiples. Elles peuvent être conjoncturelles, avec la stagnation du chiffre d’affaires qui ne permet plus de dégager une marge suffisante en volume. Dans ce cas, les difficultés de trésorerie peuvent avoir un impact sur les capacités de l’officine à rembourser ses emprunts. En période de croissance de l’activité, en effet, la hausse du chiffre d’affaires, si elle n’améliore pas la rentabilité et les ratios d’exploitation, permet au moins de compenser la stagnation du taux de marge brute. Mais lorsque, comme aujourd’hui, cette compensation par l’activité est impossible, les problèmes deviennent évidents et rejaillissent sur la trésorerie.
. DES CAUSES STRUCTURELLES
Mais les causes sont souvent aussi de nature plus structurelle. De nombreuses officines ont en effet été achetées à un prix trop élevé, ou avec un apport personnel insuffisant. Elles sont devenues ainsi plus exposées au ralentissement de la croissance du chiffre d’affaires ainsi qu’à la baisse de la marge brute et de la rentabilité qui s’ensuivent. Pour les pharmaciens concernés, les difficultés à rembourser les emprunts peuvent très rapidement devenir récurrentes. Les experts-comptables l’affirment : les problèmes de trésorerie proviennent, dans bon nombre de cas, d’un plan de financement inadapté lors de l’acquisition de l’officine. L’insuffisance des capitaux propres lors de cet achat, ajoutée à un prix trop élevé, alourdit le poids de remboursements auxquels le pharmacien risque de ne plus pouvoir faire face.
À cela s’ajoute, aussi, bien entendu, le poids de la fiscalité et des charges sociales du titulaire qui, au terme des remboursements d’emprunts, assèche la trésorerie de l’officine. Autre raison encore : le poids de charges de personnel, qui est parfois inadapté aux possibilités financières de l’officine. En milieu rural, par exemple, les charges de personnel ramenées aux heures d’ouverture de l’officine sont souvent très lourdes, la mobilité des salariés étant moins forte qu’en ville.
Pour retrouver une trésorerie équilibrée et remédier aux difficultés de remboursement des emprunts, il faut donc souvent revoir le plan de financement établi lors de l’acquisition. « Cette situation concerne essentiellement les pharmaciens installés depuis peu de temps, avec un modèle économique insuffisant », explique Michel Watrelos, expert-comptable à Lille. Mais, ce peut être le cas aussi pour un pharmacien installé depuis sept ou dix ans et qui a laissé la situation financière de l’officine se dégrader lentement. Pour ce pharmacien également, une renégociation de l’emprunt initial s’impose, une restructuration du crédit, comme disent les banquiers.
. REFINANCEMENTS POSSIBLES
« Les refinancements d’officines se pratiquent assez couramment, et pas seulement pour les pharmaciens en difficulté, estime Philippe Becker, de Fiducial. Il y a par exemple des refinancements qui sont demandés pour pouvoir répondre à des besoins ponctuels comme l’augmentation du stock ou la nécessité d’effectuer des travaux. D’autres opérations concernent des pharmaciens qui ont accumulé un découvert et un encours fournisseur importants. Dans ce cas, on demande à la banque de reprendre ces dettes de court terme pour les inclure dans le nouveau plan de financement à long terme. Enfin, on voit aussi des refinancements lors du rachat d’une officine en société. Si cette société est fortement endettée, on adapte la durée de son financement sur celle de l’emprunt souscrit pour l’acquisition des parts sociales. »
Lorsqu’il s’agit de restructurer les emprunts d’une officine en difficulté, il est préférable de s’y prendre suffisamment tôt, quand la situation est tendue mais pas insurmontable. Attendre trop longtemps, en effet, ferait courir le risque d’entraîner l’officine dans une situation telle que la banque risquerait alors de refuser son aide. Souvent, c’est l’expert-comptable de l’officine qui prend les devants, en conseillant au pharmacien de restructurer ses emprunts. La règle à suivre la plus importante est donc ne pas attendre pour réagir. Établir un diagnostic de l’officine lorsque les premiers signes de difficultés apparaissent s’impose, afin de trouver rapidement une solution de refinancement. Si la première personne à contacter dans ce cas est l’expert-comptable, il est bon également de faire un tour de table complet des partenaires de l’officine, comme le banquier, les sociétés de financement éventuelles et le grossiste-répartiteur. Ce tour de table peut d’ailleurs être décidé et organisé par le cabinet comptable.
Très majoritairement, l’opération de refinancement est effectuée dans la même banque que précédemment. Les pharmaciens sont assez fidèles à leur banquier, et changer d’établissement peut s’avérer plus coûteux en frais de dossier en pénalités. « Certes, d’autres banques proposent parfois des conditions de crédit plus avantageuses, mais elles ne peuvent pas toujours rendre les mêmes services au pharmacien que le banquier habituel », prévient Philippe Becker.
En pratique, deux types de refinancements sont mis en œuvre pour les pharmaciens. On peut tout d’abord allonger la durée du financement initial, en conservant le même capital à rembourser. On voit ainsi des crédits d’installation consentis dans un premier temps sur une période de douze ans – ce qui est la norme en officine –, portés jusqu’à quinze, voire dix-huit ans dans certains cas. L’avantage est que les échéances du crédit s’en trouvent immédiatement allégées, ce qui permet d’améliorer la trésorerie et la capacité de remboursement aux autres fournisseurs. En revanche, plus la durée totale du financement est allongée, plus le coût total du crédit est élevé.
Le second type d’opération est la restructuration proprement dite du crédit d’installation, avec l’incorporation des dettes à court terme (découvert et encours du grossiste-répartiteur) dans le plan de financement, et un rééchelonnement de la nouvelle dette totale. Ce second type de refinancement concerne plutôt les officines en difficulté, qui ont du mal à faire face, en général, à l’ensemble de leurs charges.
. PRÉCAUTIONS À PRENDRE
Emprunter à un meilleur taux dans une autre banque suppose, en principe, de rembourser par anticipation le crédit en cours. Attention : des pénalités pour remboursement anticipé sont presque toujours prévues dans les prêts professionnels à taux fixe (alors qu’il n’y en a pas, en principe, dans les prêts à taux variable). En outre, pour les prêts professionnels, les pénalités de remboursement anticipé ne sont pas réglementées et ne sont donc soumises à aucun plafond légal. Elles sont souvent de l’ordre de 5 % du capital restant dû, ce qui est loin d’être négligeable ! Quand il réemprunte dans la même banque, ces pénalités peuvent en général être négociées par le pharmacien. Mais si le pharmacien quitte son banquier pour refinancer l’officine dans un autre établissement, cette négociation est beaucoup plus difficile…
Quoi qu’il en soit, un réétalement du crédit ne peut être envisagé que si le chiffre d’affaires a progressé normalement depuis la souscription de l’emprunt, et que si le pharmacien a déjà remboursé une part significative du capital, de l’ordre de 25 % à 30 %. C’est pour cette raison aussi, d’ailleurs, que la majorité des refinancements sont effectués entre la cinquième et la septième année d’exploitation. Inversement, en fin d’emprunt, vers la dixième année, le refinancement de l’officine présente beaucoup moins d’intérêt. Dans tous les cas, le rééchelonnement de la dette suppose de bâtir un plan prévisionnel très précis, sans se tromper sur la durée envisagée. En effet, les emprunts professionnels ne sont jamais étalés sur une durée trop longue : on peut passer, par exemple, d’une durée de sept à douze ans ou de douze à quinze ans, mais pas beaucoup plus.
Attention, enfin, aux garanties demandées par la banque. Que ce soit lors de la souscription d’un emprunt d’installation ou à l’occasion d’un refinancement ultérieur, la banque demande toujours un nantissement du fonds de commerce, et éventuellement une caution du ou des titulaires. Rappelons que le nantissement permet à la banque d’acquérir un droit sur la vente de l’officine si celle-ci ne peut plus rembourser son crédit. C’est une garantie usuelle, mais certaines banques demandent également un nantissement sur le matériel, qui constitue pour elles une sécurité supplémentaire.
La banque peut également demander un cautionnement. Or, s’agissant d’un prêt professionnel, le cautionnement est toujours solidaire, c’est-à-dire qu’il permet à la banque, en cas de défaut de paiement, de demander à la personne qui s’est portée caution de rembourser immédiatement le capital et les intérêts restant dus, sans être obligée de le demander d’abord au débiteur, c’est-à-dire à l’officine. De plus, dès lors que la caution garantit un emprunt déterminé et à durée limitée, le titulaire ne peut pas la résilier : il reste tenu par son engagement jusqu’à l’extinction complète de la dette, c’est-à-dire jusqu’à la dernière échéance de remboursement de l’emprunt…
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