Selon la MIVILUDES, chaque histoire est différente, mais tous les jeunes qui ont été approchés par les recruteurs de Daech se sont vu miroiter quelque chose. Selon Serge Blisko, « il se construit un monde mental à partir d’Internet et de théories conspirationnistes crues sur parole par les plus jeunes ».
Daech utilise de nombreux vecteurs de propagande en 11 langues différentes dont un mensuel en français « Dar-al-islam » où sont diffusées des analyses politico-religieuses, des méthodes de fabrication d’explosifs ou même des recettes de cuisine.
Jeux vidéo et lolcats
L’imagerie utilisée pour la propagande Internet est très travaillée, exploitant des images issues de jeux vidéo comme Assassin’s Creed ou Call of Duty ou encore des chats (lolcat), la mascotte d’Internet.
« La mise en scène de la violence dans les vidéos de Daech bénéficie d’un montage soigné qui maîtrise des codes de production occidentale. Les scènes de mise à mort sont très stylisées et semblent moins brutales qu’elles ne le sont réellement », poursuit Serge Blisko.
Les mécanismes sont souvent identiques à ceux des mouvements sectaires. Les jeunes sont pris en charge en permanence par les recruteurs qui leur fournissent des téléphones et des contre-arguments à toutes les objections de leur entourage.
La différence tient à l’ampleur du phénomène et au recours à la violence, généralement plus rares dans les mouvements sectaires. « Il est également rare que les mouvements sectaires s’attaquent à des mineurs par peur de l’arsenal juridique qui les protège. Avec Daech, les jeunes sont acteurs de leur propre drame », poursuit-il.
Les premiers signalements reçus par la MIVILUDES datent de 2012, et provenaient d’une dizaine de familles, de culture arabo-musulmane ou non, exprimant leurs craintes concernant des jeunes entre 15 et 20 ans. « La conversion ne posait pas de problème aux familles, explique Serge Blisko, en revanche, la pratique extrêmement rigoriste coupait ces jeunes de ces familles qui nous ont alertés. » Malgré le faible nombre de ces premiers signalements, une dizaine de cas, les membres de la MIVILUDES ont été frappés par le fait qu’il y avait autant de filles que de garçons.
Les premières familles désemparées
À l’époque, les familles se sont retrouvées sans aucun recours : « Pour les directeurs d’établissement scolaire, c’étaient de simples manquements à l’obligation scolaire, les médecins de famille étaient trop débordés pour s’en occuper et la police et le juge ne pouvaient être saisis sans motifs sérieux, se souvient Serge Blisko. Elles ont toutes été confrontées à un pouvoir public désemparé pratiquant un discours d’évitement. »
Les premiers cas de jeunes embrigadés par les réseaux salafistes ne parlaient pas de se rendre dans les champs de bataille de Syrie ou d’Irak, mais de se rendre dans des terres d’islam plus rigoriste et principalement au Caire. « Les spécialistes du renseignement parlaient beaucoup de quartiers salafistes francophones en Égypte », précise Serge Blisko.
Le nombre de jeunes embrigadés a rapidement augmenté jusqu’à atteindre plusieurs dizaines en janvier 2014. À l’heure actuelle, 4 000 Européens sont partis en Syrie et en Irak, dont 1 200 Français. « On pense qu’il y a 600 Français actuellement sur les lieux, dont 80 mineurs, 240 sont revenus, 180 y sont décédés », calcule Serge Blisko.
Environ 2 000 personnes sont suivies par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), un chiffre qui a triplé en 2 ans. L’âge moyen des personnes signalées est de 26 ans, avec une fraction importante de très jeunes (12 ou 13 ans) et environ 30 % de femmes et 38 % de convertis. « C’est la partie émergée d’un iceberg, prévient Serge Blisko, on parle de 12 000 personnes signalées dans tous les départements. »
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