Dès qu'il entre dans la pharmacie, l'équipe se prépare à faire preuve de diplomatie et de patience : Monsieur André est de ces patients complexes qu'on sert avec des gants. Avec Monsieur André, un dossier a priori simple devient rapidement compliqué et, comme par un mauvais hasard, les erreurs qu'on veut à tout prix éviter s'accumulent. Derrière son air compréhensif - « Il n'y a que ceux qui ne font rien qui ne se trompent jamais », conclut souvent Monsieur André -, le septuagénaire donne surtout la désagréable impression de se satisfaire de ces situations. Certains comme Mme Bertin n'hésitent pas à le qualifier de pervers tant il semble toujours content d'avoir réussi son coup : embrouiller son interlocuteur au point de lui faire commettre l'erreur. Il est à parier que chaque pharmacie de France a son Monsieur André. Julien en a fait les frais dès son arrivée à la Pharmacie du Marché. Prévenu, le jeune pharmacien est plus que jamais sur le qui-vive lorsqu'il s'occupe du patient André.
- Bonjour Monsieur André. Comment allez-vous ?, demande Juliette. C'est elle qui s'y colle aujourd'hui, au grand soulagement de ses collègues.
- Bonjour charmante pharmacienne. Ça va, ça va. Comme un vieux. Bon, je viens pour le renouvellement de mes médicaments… et ceux de mon épouse.
L'homme commence à sortir une, puis deux ordonnances. Une troisième, puis une quatrième suivent.
- Je repasserai demain, comme d'habitude. Je vous laisse ma carte Vitale.
- Très bien, on s'en occupe. Avant que vous ne partiez, je vous propose de faire un point rapide…
- Ce mois-ci, il me faut tout. Et surtout celui-là, parce qu'il n'y en a que 28. Et pas de génériques hein, comme d'habitude…
Prenant une grande inspiration, Juliette commence à aborder le sujet :
- Monsieur André. Les règles concernant la substitution des génériques ont changé. D'ailleurs le médecin vous en a certainement parlé ? Maintenant il faut justifier la mention non substituable…
- Non, non, on fait comme d'habitude. Le médecin ne veut pas que je prenne des génériques. Il l'a écrit, regardez. Alors on fait comme il a dit ma petite…
- Monsieur André, je ne suis pas votre petite, premièrement, reprend Juliette, vexée. Deuxièmement, ce n'est pas vous, ni moi, ni le médecin, qui décidons des règles. Je vous mets comme d'habitude, OK : pas de génériques. Mais sachez que vous devrez payer et vous serez remboursé après, sur la base du médicament le plus cher.
- Mademoiselle, qu'est-ce que vous me racontez ?
- Écoutez Monsieur André, je vous invite à lire ce document. Tout est expliqué parfaitement. Mais je vous le redis : pas de générique, pas de tiers payant, et un reste à charge pour vous.
- Mais puisque le médecin a écrit "non substituable", c'est bien qu'il ne veut pas que je prenne le générique…
- Le médecin sait très bien que désormais, cette mention seule ne suffit plus. Il doit la justifier. Mais dans votre cas, il n'y a aucune justification recevable.
Juliette sent la colère monter en elle. D'ordinaire, elle conserve son sang-froid mais Monsieur André l'exaspère. Elle respire profondément et regarde le patient dans les yeux :
- Alors, on fait quoi ?
(À suivre…)
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