Dans l’univers masculin des groupements

Brigitte Bouzige, une fonceuse à la tête du Giphar

Publié le 03/12/2009

Article réservé aux abonnés

Entrée au Giphar en 1986, Brigitte Bouzige est aujourd’hui l’une des rares femmes à présider un groupement. Rencontre avec une pharmacienne qui n’a pas froid aux yeux.

" Les femmes sont plus intuitives »
Crédit photo : dr

LONGUE SILHOUETTE de noir vêtue, rivières de boucles blondes, Brigitte Bouzige arrive au siège du Giphar, sur les grands boulevards, à Paris. L’immeuble fut celui du Golf Drouot, repaire de la jeunesse rock des années soixante. Dutronc, Hallyday et Mitchell y ont fait leurs armes. Désormais, c’est une autre B.B. qui anime les lieux. La présidente du groupement, la cinquantaine épanouie, tient la forme. Phrasé rapide et accent du Midi, elle salue ses collaborateurs, prodigue quelques conseils à l’un d’eux, qui s’est enrhumé. C’est qu’elle ne le quitte jamais vraiment, son comptoir des Salles du Gardon. À l’officine, elle travaille avec son mari, Jacques, en charge du back-office, et ses 4 employées, qu’elle appelle « mes filles ».

Après avoir pensé s’orienter vers la diététique, elle s’inscrit en pharmacie, à la faculté de Montpellier. Passionnée de volley, son équipe de première division parvient en coupe d’Europe. « J’ai joué jusqu’à quatre mois de grossesse. Puis j’ai repris un mois après l’accouchement de mon fils. » Aujourd’hui, ses fils, Guillaume, 29 ans et Thomas, 26 ans, sont propriétaires d’une grande salle de sports. Elle s’y précipite, après une demie semaine passée à Paris. « Il faut que je bouge ! », s’exclame t-elle. Au volley, on l’imaginait bien en leader d’équipe. « Sur le terrain, c’était mener, au sens d’entraîner les autres, de les inciter à aller plus loin ensemble. » Au sortir des études, elle travaille dans 4 à 5 officines différentes. « Mon planning changeait tout le temps. Cela a duré plus de trois ans ». À Alès et dans sa région, elle voit différents aspects du métier, dans la perspective de s’installer. Ce qui arrive en 1986. Dans la foulée, elle entre au Giphar et se fait remarquer pour ses vitrines. « J’ai demandé à ma mère, qui peint très bien, de m’aider à les concevoir. » Ajoutez à cela quelques slogans bien choisis de celle qui aurait aimé être publicitaire. Ses créations sont mises au service du groupement, au sein de la « commission vitrines ».

Un monde de machos.

En 2002, Brigitte Bouzige devient vice-présidente du Giphar. « Il y avait beaucoup de dossiers. J’ai pas mal baroudé. » Légitime, donc, pour en être élue présidente en 2008 ? « Je n’avais jamais pensé à le devenir. Les choses se font naturellement. » Aujourd’hui, elle est l’une des rares femmes à la tête d’un groupement. « C’est feutré, mais c’est un milieu de machos, confie t-elle. Il y a des vannes. Je préfère m’en amuser ». Sa féminité, c’est pour elle un atout. « Les femmes sont plus intuitives. Il nous faut comprendre jusqu’au moindre détail, ne rien laisser dans l’ignorance. » Elle ne dira rien de plus, préférant régler ses comptes directement. « J’ai mon tempérament, j’aime la franchise », assène t-elle. Sur la question de la communication du Giphar, qui l’oppose à l’Ordre des pharmaciens, Brigitte Bouzige est formelle : « C’est une bataille très délicate. On se heurte au code de la santé publique. Mais je suis sereine, convaincue qu’on ne peut pas rester en l’état. » Convaincue, il est rare qu’elle ne parvienne pas à convaincre. Sans passage en force, assure t-elle.

La présidente relativise l’importance de sa fonction. Elle se dit à l’écoute. « J’aime bien quand les adhérents me contactent. Je ne manque pas de les rappeler s’il le faut. » Quelques post-it parsèment son bureau. Elle ne reprendra pas ses dossiers sans évoquer sa passion pour le chant. Sa voix est alto 2, tessiture la plus grave. Depuis une dizaine d’années, elle participe à un festival, en juillet, dans les arènes d’Alès. « On est un millier de choristes, aux côtés de chanteurs connus. J’y vais avec un groupe de copines. Pendant une semaine, on répète jusqu’à neuf heures par jour, pour être fin prêtes le dernier soir. » Entre deux portes, elle dit quelques mots de ses actions humanitaires récentes, au Mali ou à Madagascar. Puis glisse, souriante et soulagée : « ça fait du bien de parler de soi, un peu, de temps en temps ».

› MATTHIEU VANDENDRIESSCHE