Le texte de l'accord est un volumineux document de 400 pages qui, en gros permet aux Britannniques de quitter l'Union au terme de plusieurs années et assure, pendant la période intérimaire, les relations commerciales entre le Royaume-Uni et l'UE telles qu'elles sont régies actuellement. Les concessions consenties par Londres sont donc considérables, au point qu'on peut parler d'un maintien de la Grande-Bretagne dans l'Union européenne. Mme May s'engage à verser le solde de ses dettes à l'égard de l'Union, à hauteur de 45 milliards d'euros, aucune frontière ne sera érigée entre l'Irlande du Nord et la république irlandaise, une période de transition est prévue entre avril 2019 (date de l'entrée en vigueur du futur traité) et décembre 2020 et, au-delà, la Grande-Bretagne restera dans l'union douanière jusqu'à ce qu'un nouvel accord soit conclu qui fixera les conditions de la séparation.
Les Vingt-Sept ont approuvé le texte et la Première ministre britannique, Theresa May, en a exposé le contenu à ses ministres et à la Chambre des communes. Quatre ministres favorables au hard Brexit ont démissionné, l'Irlande du Nord a réagi négativement, car elle craint de quitter le royaume, les Ecossais sont furieux parce qu'ils ne veulent pas du tout quitter l'Union européenne. Dans la population, les réactions sont contradictoires. Pour nombre de conservateurs, parti où la loyauté à l'égard de Mme May est rare, l'accord est une trahison ; pour les citoyens qui n'ont jamais voulu du Brexit (48 % des votants en 2016), l'espoir renaît d'un nouveau référendum, bien que la Première ministre ait exclu cette hypothèse ; et Mme May n'est pas sûre du tout de trouver une majorité pour voter l'accord puisque les élus sont partagés par les mêmes lignes de fracture que celles qui traversent le peuple.
L'incertitude est telle que le Premier ministre français, Edouard Philippe, a rappelé que son gouvernement a pris des dispositions pour remédier à toute situation de crise soudaine, au cas où l'accord, faute de majorité britannique, serait inapplicable et pourrait, à la faveur d'un renversement du gouvernement actuel, se traduire par un Brexit immédiat sans concertation avec les Européens. Les questions posées (et sans réponse) portent sur la viabilité du gouvernement britannique, l'hypothèse d'élections anticipées en Grande-Bretagne, celle d'un second référendum, le choix que feront les élus irlandais du DUP (Democratic Union Party) qui soutiennent actuellement Mme May mais pourraient la lâcher en rase campagne, pour ne mentionner que les plus importantes.
Le plus mauvais emploi du monde
Cependant, personne n'a vraiment envie de prendre le job de Mme May, dont on ne dira jamais assez qu'elle s'est battue avec un courage immense et que, par tous les moyens, elle a tenté de transformer en action politique les résultats d'un référendum qu'elle n'approuvait pas. Les Tories, et notamment les ministres qui ont démissionné, ne souhaitent pas vraiment occuper le pouvoir dans une crise aussi aiguë et confuse. Les travaillistes sont dirigés par un homme, Jeremy Corbyn, qui n'a jamais dit clairement s'il était pour ou contre le Brexit et dont la crédibilité est fortement contestée par son propre parti.
Pour le moment, le désastre est total. Loin d'avoir donné un horizon au Royaume-Uni, le référendum a divisé les Britanniques comme ils ne l'ont jamais été. La mise en place de la période de transition, si elle a lieu, sera critiquée sévèrement, même si elle permet aux Britanniques de ne pas perdre leur chemise dans l'aventure. Le fait que l'accord prévoit le maintien de la Grande-Bretagne dans l'union douanière européenne exclut tout traité bilatéral entre elle et les Etats-Unis par exemple, ou avec d'autres pays. Les Britanniques se sont jetés aveuglément dans une mésaventure dont les conséquences sont à la fois graves et incalculables, et leurs divisions ont été accentuées par toutes les polémiques que soulève le Brexit. Enfin, si le sort des Anglais n'est pas enviable, le choc d'une rupture serait très dur à encaisser pour les Européens.
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