Il y a malheureusement d'excellentes raisons au choix britannique. Ils ont d'abord vu la pompe monarchique comme inégalable et incompatible avec les traités internationaux. Ils ont ensuite cru que leur pays insulaire, hasard géographique, avait concouru à un destin signifié par Dieu et la Reine. Ils ont voulu voir dans l'enthousiasme unioniste la victoire du métissage et de la vulgarité populaire sur la noblesse de leur système unique, ancien, solide. De même que le narcissime trace des projets à gros traits et sans nuances, une majorité de Britanniques a ignoré ce qu'une forte minorité aimait tant dans le mélange culturel, musique allemande, cuisine italienne, art français et tellement d'autres prix d'excellence obtenus par l'Europe au cours des siècles que s'en séparer revient à se priver de chances exceptionnelles. Il n'y a rien de mieux que ce qui est anglais ? Cela ne signifie pas qu'il y ait rien d'autre à voir, à apprendre, à déguster, à comprendre.
La souveraineté britannique devait-elle l'emporter sur les affinités européennes ? L'exclusion de la curiosité des uns pour les autres constitue-t-elle un choix utile ? Le nationalisme, qui n'est pas la tasse de thé de tous les Anglais, il s'en faut, remplace-t-il l'appartenance au monde ? Le talent et la notoriété de Shakespeare, sans aucun doute le plus grand dramaturge anglais, sont mondiaux, comme l'est Picasso que l'on ne peut réduire à sa nationalité espagnole ou Léonard de Vinci au génie italien. Le Royaume-Uni érigerait-il des murs sur les falaises de Douvres, comme Trump construit celui du Mexique, croyant de la sorte arrêter le vent, la pluie ou le soleil, que des Anglais continueraient à lire « les Misérables ». Au moment où ils nous adressent un pied-de-nez, en se soustrayant de l'Europe, nous serions plutôt tentés d'exalter leurs immenses atouts, des atouts assez estimables pour qu'ils s'y agrippent comme Harpagon à sa cassette. La mondialisation ne date pas d'aujourd'hui.
La peur de la mondialisation
De fait, elle représente l'état naturel des choses. Les migrations et le terrorisme nous ont tous incités à construire des barrières, à créer des enclos pour des gens que nous traitons comme des bêtes, à nous dresser contre l'invasion. Mais, autrefois, Marco Polo n'avait pas besoin d'un visa pour aller en Chine et heureusement pour les Chinois dont nous avons adopté les nouilles. C'est l'immigration, c'est le djihadisme qui ont conduit les Britanniques à cette extrémité qu'est le Brexit, un peu comme la ligne Maginot, celle que l'armée nazie a su si bien contourner. Mais si nous ne sommes plus ensemble pour défendre la civilisation européenne contre ses agresseurs, comment irions-nous d'un coup d'aile à Rome pour y jeter une pièce dans l'eau de la fontaine de Trèves ? Dans tous les reportages de la presse sur les conséquences inéluctables du Brexit, qui ne sont pas seulement économiques et sociales, on voit des centaines d'Anglais désespérés qui s'interrogent avec angoisse sur leur avenir, sur ce qu'ils ont perdu, sur le choc qui les éloigne d'un exotisme familier : ces Anglais qui vivent en France et dont la vie va être singulièrement compliquée, ces étudiants de toutes nationalités mêlés dans les programmes d'Érasme ; cet amour qu'ils ont pour la montagne ou les plages de France ; cet effort qu'ils faisaient pour apprendre notre langue.
Il y a longtemps, j'ai participé à une émission de la BBC sur les relations entre la France et le Royaume-Uni. J'y ai trouvé un Anglais de trois fois mon âge à l'époque, qui s'indignait de ce qu'il ne trouvât jamais à l'accueil des hôtels français un interlocuteur capable de protéger son confort en lui parlant l'anglais. « Si vous voyagez en France, lui ai-je répondu, c'est que vous l'aimez. Si vous ne parlez pas le français, il est temps de l'apprendre. Et ainsi vous pourrez participer à une émission de Radio France et expliquer aux Français pourquoi eux aussi doivent aimer l'Angleterre ».
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