EN PLEIN cœur de la tempête Mediator, la France se targuait encore de disposer de l’un des meilleurs systèmes de sécurité sanitaire au monde. La dramatique affaire du sang contaminé avait déjà amené à revoir l’organisation du système. En 1993, l’évaluation, le contrôle et la décision passent de la tutelle du ministère de la Santé à celle de l’Agence du médicament, qui deviendra, cinq ans plus tard, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Oui, mais voilà, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le Mediator, remis le week-end dernier à Xavier Bertrand, est accablant non seulement pour le groupe Servier, mais aussi pour l’AFSSAPS. « À la lecture du rapport, je constate qu’il y a un faisceau d’indices extrêmement lourds qui indiquent une responsabilité première et directe des laboratoires Servier dans ce drame du Mediator », commente le ministre de la Santé. « Mais le rapport montre aussi clairement que notre police du médicament a failli à sa mission », ajoute-t-il.
Au vu de ces conclusions, Xavier Bertrand veut donner un grand coup de pied dans la fourmilière. Et il compte aller vite. Dès la fin du mois, il lancera une grande concertation afin d’alimenter un rapport complémentaire de l’IGAS, chargée de faire des propositions de réforme du système de pharmacovigilance, mais aussi du rôle et du fonctionnement de l’AFSSAPS. L’IGAS devra rendre sa copie en juin. « Il y a urgence à réformer le système, il y a urgence à redonner de la confiance », estime Xavier Bertrand, par le biais, s’il le faut, « de mesures radicales ».
Revoir le fonctionnement.
Première conséquence, le remplacement à la tête de l’AFSSAPS de l’actuel directeur général, Jean Marimbert. Mais l’affaire du Mediator n’est pas la faute d’un seul homme et c’est carrément le fonctionnement de l’agence que le ministre de la Santé remet aujourd’hui en cause au regard des conclusions de l’IGAS. « Nous ne pouvons pas conserver l’AFSSAPS en l’état », insiste Xavier Bertrand. Son financement devrait être revu et assuré directement par des subventions de l’État ; le nombre de membres de ses commissions devrait être réduit pour éviter une dilution des responsabilités. Le système d’alerte doit aussi être plus réactif. « Il n’est pas possible d’attendre 17 réunions de comité technique de pharmacovigilance et 10 ans pour que le problème soit enfin évoqué en commission nationale », souligne le ministre, qui n’aurait rien contre l’idée de confier la pharmacovigilance à l’Institut de veille sanitaire (InVS). Il demande d’ailleurs à l’AFSSAPS de dresser immédiatement un bilan des 76 médicaments faisant actuellement l’objet d’un suivi national de pharmacovigilance, afin notamment de les porter à la connaissance des médecins.
Le ministre semble aussi décidé à revoir les conditions d’accession sur le marché des spécialités pharmaceutiques. « Faut-il se contenter, lorsqu’une autorisation de mise sur le marché est délivrée pour un médicament, que celui-ci soit simplement meilleur qu’un placebo ?, s’interroge-t-il. Cela me paraît trop simple. Il faut au minimum qu’il soit équivalent aux produits de référence déjà présents sur le marché. Il ne faut pas que le médicament soit juste un peu mieux que rien, il faut un réel bénéfice pour le patient. » Quant au retrait du marché d’une spécialité, Xavier Bertrand souhaite davantage de fermeté. « Une autorité sanitaire doit-elle attendre indéfiniment les résultats d’une étude qu’un laboratoire produira parfois avec beaucoup de délais, ou peut-être même jamais ? lance-t-il. Je crois à des règles simples : à mon avis, l’autorisation de mise sur le marché devrait être suspendue de manière automatique lorsque le délai fixé par l’autorité sanitaire n’est pas respecté. »
Plus de transparence.
« La chaîne du médicament fonctionne aujourd’hui de manière à ce que le doute bénéficie non aux patients et à la santé publique mais aux firmes », conclut l’IGAS. « Je veux tout le contraire, affirme Xavier Bertrand. C’est à l’industriel de démontrer que son médicament présente toujours un bénéfice-risque positif et non aux autorités de prouver que celui-ci est devenu négatif ».
En ce qui concerne le remboursement des spécialités, le ministre attend aussi de nouvelles règles. Pour celles dont le Service médical rendu est jugé insuffisant, il ne devrait y avoir aucune prise en charge par la collectivité, sauf avis contraire motivé du ministre, préconise-t-il. À ses yeux, la refonte du système passe également par plus de transparence, en particulier sur les conflits d’intérêts. Il souhaite que toutes les conventions passées entre les laboratoires, tous les médecins, tous les experts et toutes les sociétés savantes soient désormais rendues publiques. Le ministre de la Santé juge également indispensable qu’il y ait des déclarations d’intérêt de la part des membres de cabinet ministériel, qu’ils s’occupent du médicament ou qu’ils s’occupent d’un autre secteur du médicament. « Ma responsabilité, mon devoir, c’est de rebâtir un nouveau système du médicament, un nouveau système de sécurité sanitaire, avec un objectif : qu’il n’y ait pas demain de nouveau « Mediator » », affirme Xavier Bertrand.
Après l’IGAS, ce sera aux parlementaires de se pencher sur cette dramatique affaire, avant que Jacques Servier vienne s’expliquer en personne devant le tribunal correctionnel de Nanterre, le 11 février prochain. Le dossier Mediator est loin d’être bouclé.
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