LONGTEMPS je n’ai connu que le changement de logiciel, l’installation de la dernière version, la nouvelle configuration, les mises à jour, les modifications de programme. Parfois, il était tellement simple de s’adapter à l’amélioration que ça se faisait presque tout seul. J’ai pourtant en mémoire une transformation radicale qui a donné le vertige à toute mon équipe du moment pendant quelques semaines. Nous ne savions jamais où nous en étions, c’était une sensation très désagréable qui ressemblait à une quasi-noyade, avec tout juste la tête hors de l’eau, mais, comme toujours, on a fini par s’habituer.
Il y a quelque temps, on nous a annoncé un événement de la plus haute importance : une « grosse migration informatique ». On était en Vn, on allait passer en Vn+1. Un planning prévisionnel de mise en place a été établi, et il nous a fallu faire des ajustements dans nos emplois du temps.
Jour 1 : « installation de la migration, paramétrage et configuration ». Nous n’étions pas vraiment concernées, ça se faisait à distance sans notre participation.
Jour 2 : « audit avec le groupe pilote et paramétrage ». Le groupe pilote, c’est nous et les médecins prescripteurs. C’était prévu sur plusieurs heures, ça dure à peine 45 minutes, on raconte au formateur comment on travaille, il prend des notes. On avait convenu de manger à la cantine, poulet-carottes vichy. Alex, notre formateur, qui vient de loin et qui ne mange jamais à midi, se force pour grignoter une feuille de salade sans assaisonnement (il ne mange jamais de gras non plus, en fait, sa liste est longue, on va l’apprendre pendant ces quelques jours).
Jour 3 : « formation ». Alex a mal dormi à l’hôtel, et il déteste le fait qu’il y ait un rideau de douche, et pas une vitre, dans sa salle de bains. Pendant deux heures il nous fait découvrir les nouvelles icônes de la Vn+1, tout ce qui concerne l’analyse et la validation des prescriptions. Et nous réussissons le petit exploit de le faire rire.
Jour 4 : nouvelle matinée de « formation, analyse, validation, paramétrage ». Ce sera uniquement du paramétrage, en fait. Alex a encore mal dormi à l’hôtel. Pendant que ma coéquipière passe en revue avec lui tous les médicaments du livret thérapeutique, j’en profite pour faire deux audits…
Jour 5 : « lancement de la migration, assistance au démarrage. » Je ne demande plus à Alex s’il a bien dormi. Il ne vient pas avec nous à la cantine. Je lui rapporte mon dessert, une banane, mais j’aurais dû m’en douter, il n’en mange jamais. Les essais que nous faisons demandent quelques petits réglages supplémentaires, mais sinon, tout marche…
Jour 6 : « formation sur la gestion des stocks ». Journée « importante », prévue depuis longtemps, avec une formatrice, et qui vient d’être successivement annulée puis reconfirmée. Pour la semaine prochaine, et avec quelqu’un d’autre, qui mange peut-être à midi…
Sur le plan pratique, c’est certain, on va vite l’apprivoiser cette nouvelle version. Finalement, comme disait William, beaucoup de bruit pour rien.
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