Au fond, ce que souhaite Barbara Cassin, c'est que chacun d'entre nous parle bien les langues étrangères qu'il connaît. Elle réclame « une Europe résistante qui refuse de s'en tenir à cette langue de communication qu'est le global English », aussi appelé globish. « Nous refusons, ajoute-t-elle, que nos langues (européennes) deviennent des dialectes ». C'est une nouvelle défense du français. Elle ne doit pas être chauvine, mais positive, elle ne doit pas exclure les langues concurrentes et principalement l'anglais qui est devenu, admettons-le, un langage international hors pair, mais dont elle souligne la contamination par un usage excessif qui l'a beaucoup abîmé. Mme Cassin nous permet de sortir de la confrontation que nous avons introduite dans les rapports entre l'anglais et le français pour des raisons qui relèvent du nationalisme. Elle s'efforce de nous extraire d'une guerre feutrée qui, en réalité, ne respecte ni notre langage national ni ceux des autres nations.
Elle prône au contraire l'usage par les Européens de plusieurs langues. Et par exemple que nous parlions et écrivions l'anglais de Shakespeare, d'Emily Dickinson et de Churchill. Elle emprunte au sémiologue Jacques Derrida sa devise : « Plus d'une langue. J'ai choisi cette devise parce qu'on parle ailleurs le français et parce qu'une langue, ça ne s'appartient pas. »
Rien de plus politique que de parler
Vaste programme : parler l'anglais comme Shakespeare, l'italien comme Dante et l'espagnol comme Miguel de Cervantes n'est pas à la portée du premier venu. L'académicienne en est parfaitement consciente : elle a une solution, la traduction. Elle croit que cette Tour de Babel, qui nous aurait été infligée par Dieu pour que nous ne nous comprenions jamais, a créé des langues magnifiques et que si, nous ne pouvons en apprendre deux ou trois de plus, le seul remède, c'est la traduction littéraire, travail de transposition qui doit refléter minutieusement la beauté de la langue d'origine et proposer un nouveau texte au moins aussi beau que celui dont il est inspiré. « Avoir foi dans le langage, dit-elle, c'est comprendre qu'il n'y a rien de plus politique que de parler. »
On constate donc que Barbara Cassin défend le français sans mépriser les langages concurrents, qu'elle condamne les ersatz proposés en lieu et place des grandes langues de civilisation, qu'elle juge parfaitement compatible leur coexistence et, tout en renonçant aux conflits de langage, elle apporte au français une défense à la fois ardente, dévouée et efficace. Si son discours inaugural nous a tellement séduit que nous nous sommes empressé d'en faire le sujet de cette chronique, c'est parce que, à travers la défense du français, Barbara Cassin nous propose, sans jamais le dire, une autre forme de communication entre les peuples. En effet, en restant très exigeant sur le respect de la grammaire et du vocabulaire, on élèvera le débat, on sera moins enclin à se fâcher, on sera plus incité à verser dans la subtilité.
L'académicienne nous invite donc à sortir de notre coquille linguistique. Il n'y a pas que le français et les élèves du secondaire doivent s'engager dans l'acquisition d'au moins deux autres langues. Imaginez le bonheur de celui qui lit Shakespeare dans le texte ou Umberto Eco en iltalien ! « La singularité et la beauté d'une langue ne doit pas conduire à la fermeture sur soi. La langue de l'Europe et peut-être la langue du monde, c'est la traduction. La langue française n'est pas hors du temps, elle est tout le temps. »
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