QUAND ON FAIT la connaissance de quelqu’un, quand on emménage dans une nouvelle région, quand on commence dans un nouveau poste, qu’est ce qu’on remarque d’abord ? Pour certains, ce sont les qualités de cette personne, les avantages de cet endroit, les changements positifs par rapport à ce qu’ils faisaient auparavant. D’autres vont être attentifs à repérer les faiblesses ou les défauts des gens qu’ils rencontrent, ils regrettent ce qu’ils viennent de quitter et font sans arrêt des comparaisons désavantageuses, ils prennent aussitôt la mesure de ce qui ne va pas, et la révolution se met en marche dès leur arrivée, à la confusion de ceux qui sont en place depuis plus ou moins longtemps.
Dans un service où je n’étais finalement restée que quelques semaines, suite à un malentendu sur mon temps de présence (il aurait fallu que je travaille six jours sur sept, on n’est plus au Moyen Âge quand même…), on m’avait demandé de me mettre en mode observation et de noter tous les dysfonctionnements qui sauteraient à mes yeux pas encore embués par la routine. Un cerveau tout neuf, curieux et enthousiaste, pas handicapé par le train-train, les tensions hiérarchiques, la résignation devant les manquements quotidiens, voilà ce qu’il leur fallait. Au boulot, Louise, et au rapport !
Qu’est ce que vous voulez que je vous dise ? Des fonctionnements défectueux, il y en avait partout, tout le temps. Pas des gros, hein, ça ne mettait la vie de personne en danger, enfin, pas forcément… Le logiciel d’analyse des prescriptions était performant, mais la validation des ordonnances n’était pas faite au jour le jour. Il y avait un document « Dotation du Service », créé depuis quelques années, mais il n’était plus à jour, et n’était en fait jamais utilisé. Il n’y avait pas de traçabilité des médicaments prélevés en urgence par les médecins. Le protocole « Suivi de péremption des produits tenus en stock » n’était pas appliqué.
Celui sur les « Retours en provenance des services de soin » non plus. Le thermomètre dans le réfrigérateur était votre modèle de base, au lieu du thermomètre à maxima et minima obligatoire. La personne responsable étant en congé de maladie, le relevé de température journalier n’avait pas été fait depuis plusieurs mois. Le problème de temps et de personnel étant le même absolument partout, les piluliers et leurs plateaux n’étaient pas nettoyés régulièrement. Les flacons de gouttes étaient ouverts depuis personne ne savait quand, sans souci de connaître leur date de conservation après ouverture. Les piluliers préparés hors présence pharmaceutique auraient dû être soumis à un sondage aléatoire, accompagné d’une traçabilité écrite… Vous en voulez encore ? Les médecins ne respectaient pas toujours les règles de durée de prescription, genre celles des 4 ou des 12 semaines, et personne ne disait rien.
Non, mais là j’arrête, on dirait que j’invente et que je noircis le tableau, et il n’en est rien. J’avais donné les résultats de cet audit à mon supérieur hiérarchique, mais je n’étais pas restée assez longtemps pour entreprendre les actions correctives. Dommage, n’est ce pas, car il y avait de quoi faire (je parie volontiers que c’est fait, à présent). Mais ce qui me frappe aujourd’hui, c’est que, malgré tous ces dysfonctionnements, ce service fonctionnait très bien, les malades étaient bien soignés et il n’y avait jamais eu de problème grave, en tout cas pas plus qu’ailleurs où les protocoles étaient peut-être suivis à la lettre.
Dans un certain endroit, je sais qu’il y a, disons, encore pas mal d’améliorations à mettre en place. Et pourtant l’établissement vient d’obtenir la V3 sans problème. Alors, je me dis qu’on a sûrement récompensé ses nombreux points positifs. Ou alors… que c’est peut-être pire ailleurs, en terme de dysfonctionnement…
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