DE NOMBREUX PHARMACIENS d’officine sont aujourd’hui préoccupés par les risques encourus en termes de santé publique, en raison des obligations attachées à leur mission.
Ainsi parmi les médicaments à délivrer, certains :
1. comportent un rapport bénéfices/risques jugé défavorable par des services de pharmacovigilance (exemples anciens du rofecoxib, du benfluorex, de la sibutramine, pour lesquels il a fallu plusieurs mois avant une décision de retrait du marché) Pourquoi une telle lenteur dans ces prises de décision ?
2. sont reconnus de « nécessité incertaine », tels l’oseltamivir et le zanamivir qui devaient être prescrits et délivrés en cas de suspicion de grippe à virus A(H1N1).
3. font l’objet d’un suivi incertain ; ainsi après dix ans de commercialisation, trop peu de données de pharmacovigilance sont publiées concernant les effets à moyen terme du lévonorgestrel ainsi que lors de son usage réitéré.
4. ou encore font l’objet de campagnes médiatiques outrancières (comme celles qui furent organisées pour le rimonabant et l’orlistat) n’ayant pour seul but que celui d’accroître la demande.
D’autres obligations nous mettent également en difficulté, notamment :
1. celle de substituer princeps/génériques : la limitation du nombre de génériques en ne retenant que des produits totalement identiques aux princeps aurait pu simplifier, voire pacifier, nos relations avec les patients et éviter aussi certains accidents. Peut-être même qu’en optant pour cette stratégie, le corps médical aurait été davantage convaincu de la qualité de la substitution.
2. ainsi que celle de « fournir » le RU 486 : au regard de l’article R 4235 du Code de santé publique, qui nous demande d’« exercer notre mission dans le respect de la vie et de la personne humaine », cette obligation nous demande de sortir de notre rôle de soignant. La possibilité d’un droit de refus, avec l’obligation d’orienter le médecin vers un confrère, devrait être envisagée.
Confrontés, comme le sont d’ailleurs également d’autres professionnels de santé, à ces obligations, sommes-nous encore en capacité d’exercer selon notre éthique professionnelle, d’autant que nous avons aussi à informer et à conseiller nos patients afin qu’ils puissent être acteurs de leur santé. Quant aux mesures imposées, sont-elles toujours à la hauteur de la complexité des problèmes à traiter ? N’assistons-nous pas à un transfert de charges avec dilution des responsabilités ?
La santé a un prix et la défendre a un coût : l’AFSSAPS a été constituée pour être la structure de référence pour les médecins et les pharmaciens. Lui donne-t-on tous les moyens pour statuer de manière tout à fait indépendante et, ainsi, permettre d’accélérer, tant au niveau national qu’européen, les processus de retrait ? Notre Agence nationale de pharmacovigilance obtient-elle des financements suffisants pour mener des études approfondies sur la balance bénéfices/risques de certaines molécules, et plus particulièrement celles commercialisées avec une AMM « précoce » ?
Notre profession ne peut se résigner à demeurer « sous influence », économique, médiatique ou idéologique. Elle doit se doter de moyens en vue d’acquérir une plus grande indépendance intellectuelle. Ne pourrait-on pas envisager d’interpeller davantage certains experts reconnus pour leur compétence et leur indépendance ? Ainsi l’Académie de Pharmacie pourrait rendre des avis et orienter les confrères en recherche d’informations fiables (nous nous souvenons par exemple des questionnements qui se sont posés au sujet du traitement hormonal substitutif de la ménopause nous maintenant dans un embarras certain). D’autres initiatives seront probablement à imaginer afin de maintenir la confiance de la population à notre égard, ce qui permettrait de couper court à toute tentative de la part de certaines structures commerciales de mettre la main sur le marché du médicament.
Cette indépendance va aussi de paire avec une plus grande concertation entre tous les pharmaciens d’officine. Ainsi l’Ordre, par l’intermédiaire des sections A et D, ne pourrait-il pas mettre en place des consultations régulières sur des questions concernant nos pratiques et l’avenir de l’officine ? Une telle concertation n’aurait-elle d’ailleurs pas été nécessaire avant la mise en vente de médicaments conseils en « accès libre » ?
Cependant cette indépendance ne peut faire l’économie d’un dialogue constant avec les autres professionnels de santé au sein des réseaux et d’autres structures qui vont se développer dans l’esprit de la loi HPST. D’ailleurs, étant donné que certaines questions sont associées à des enjeux économiques et sociétaux, ne serait-il pas souhaitable d’élargir alors le débat en favorisant une plus grande concertation entre professionnels, institutions et associations ? C’est en effet en s’inscrivant dans une démarche de santé publique et en ouvrant les questions de santé aux observations et aux réflexions d’autres disciplines, que des progrès considérables ont été faits dans certains domaines tels que la prise en charge des addictions ou des pathologies gériatriques. Cette vision plus globale favoriserait par exemple la mise en œuvre d’actions diverses et coordonnées dans le domaine de la contraception ainsi que dans la prévention des grossesses chez les adolescentes.
Enfin, ne serait-il pas possible de promouvoir l’organisation de débats contradictoires, en prenant exemple notamment sur ceux organisés pour la révision des lois de bioéthique ? Ainsi, on pourrait en initier d’autres sur des sujets comme l’intervention de l’industrie dans les organisations de pharmacovigilance, l’information des patients et l’éducation thérapeutique ou la mise en place renforcée de structures accompagnant des jeunes filles et jeunes femmes débutant une grossesse…
À l’aide de ces différentes stratégies, les décisions prises permettraient alors de mieux définir les missions de chacun avec leur part de responsabilité.
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