Redistribution des cartes dans la distribution

Attention à ne pas casser la chaîne

Publié le 25/05/2010
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Les missions du pharmacien consacrées par loi HPST, les services proposés par les répartiteurs, le comportement des industriels face à l’officine… autant de facteurs qui ont fait bouger les lignes et redistribué les rôles dans la chaîne du médicament. Dans le flou du changement, l’inquiétude est palpable.

« NOUS AVONS BESOIN d’un régulateur. » Claude Castells, vice-président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) dont il va prendre les rênes d’ici à quelques semaines, et président de l’OCP, se montre inquiet face aux changements opérés au sein de la chaîne du médicament, en particulier en termes de distribution. C’est presque avec nostalgie qu’il rappelle les obligations de service public des grossistes-répartiteurs, visant à « assurer un approvisionnement sécurisé de tout produit à toute officine, ce qui permet la liberté de prescription du médecin. Mais le fondement de notre système est remis en cause ». Selon lui, les facteurs du changement sont le déficit grandissant de la Sécurité sociale, les médicaments modernes, l’instauration du droit de substitution et la sortie de réserve hospitalière. « Ces éléments ont provoqué une ruée de l’industrie pharmaceutique vers l’officine », délaissant le médecin au profit du pharmacien, et amplifiant la vente directe…

Les répartiteurs se défendent en proposant de nouveaux services aux industriels et aux pharmaciens. Ces derniers apprennent à négocier avec les laboratoires et se tournent vers les groupements, un système qui leur permet de jouir de leur liberté individuelle et de la réunion de moyens. Résultats ? Selon le futur président de la CSRP, cette redistribution des cartes est à l’origine de la remise en cause des fondements de la distribution du médicament qui a conduit le laboratoire Roche à choisir les distributeurs de ses références. « C’est la conséquence de la sortie de réserve hospitalière. Certains médicaments demandent des compétences particulières. Dans ce cas, faut-il procéder à une sélection de répartiteurs ou élever leur niveau de compétences ? Rappelons que notre fonctionnement est issu du Code de la santé publique et que nos établissements sont autorisés et inspectés par l’AFSSAPS. » Ce devrait être l’assurance que les répartiteurs sont aptes à distribuer tout médicament dans des conditions de sécurité et d’équité élevées.

Sécurité et accès aux soins.

C’est l’avis d’Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre national des pharmaciens. « En France, l’organisation des soins se fait sur des objectifs de santé publique et non des objectifs commerciaux. » Pour l’instance ordinale, le plus important est de garantir l’accès aux soins et la sécurité du consommateur. « Il faut s’adapter à l’évolution de notre environnement, mais nous ne devons pas casser ce qui fonctionne. »

Pour Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’intérêt du patient prime. Le pharmacien doit se consacrer à son accompagnement et son suivi. C’est également l’opinion de Lucien Bennatan, président du groupe PHR, pour qui le rôle du pharmacien prend d’autant plus d’importance que la désertification médicale s’amplifie, la médecine se déshumanise et les consultations sont courtes. « Il faut développer un maximum de services pour anticiper les besoins du consommateur : prévention, autodiagnostic, rendez-vous pharmaceutiques, etc. Cela fait des années que je pousse mes confrères à l’excellence opérationnelle, que je les prépare à répondre à des critères qualitatifs. Aujourd’hui, un patient chronique change de pharmacie s’il estime être mal accompagné. En ce sens, je peux comprendre qu’un laboratoire recherche le meilleur partenaire. »

Mais un nouvel élément pourrait encore changer la donne : la vente de médicaments par Internet, prévue pour 2011 en France. Philippe Gaertner n’y voit pas d’intérêt pour le patient puisque le réseau officinal permet de trouver aisément une pharmacie près de chez soi, évite les délais (et les frais) de livraison et permet d’être soigné immédiatement. Selon Isabelle Adenot, la question ne doit pas être centrée sur la vente mais sur l’outil Internet. « Un millier d’officines françaises ont un site, de nombreux pharmaciens européens également, nous ne pouvons occulter cette question. Nous demandons une réglementation claire répondant à notre déontologie. Le pharmacien ne doit pas proposer tout et n’importe quoi. »

D’après une table ronde de la Conférence annuelle des « Échos ».
› M. MAZIÈRE

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2752