C’EST UN PEU le couronnement d’une carrière. André Caudron, pharmacien retraité, âgé de 87 ans, et phytothérapeute, a vu naître une plante exceptionnelle dans son jardin. Il s’agit de l’onoporde acanthium, une espèce rare qui pousse d’ordinaire dans le Massif Central. Or, ce jardin, la ferme des jésuites, qui a été confiée à André Caudron, se trouve à des centaines de kilomètres, à Grande-Synthe, à côté de Dunkerque. « C’est une plante curieuse qui atteint deux mètres, elle a des feuilles d’acanthe de couleur bleue », décrit le phytothérapeute. Le hasard a voulu qu’elle pousse dans ce jardin, un hasard bienvenu puisqu’elle s’est révélée riche en propriétés cicatrisantes : c’est ce que découvre, en l’étudiant, André Caudron. Ce dernier en parle au cours d’un congrès à Dijon et un laboratoire pharmaceutique manifeste son intérêt. C’était il y a cinq ans. « Il m’a demandé l’autorisation de poursuivre les travaux sur cette plante, ce que je lui ai volontiers accordé car les laboratoires ont évidemment des moyens que je n’ai pas », poursuit-il. Résultat, l’onoporde est désormais utilisée par des firmes cosmétiques dans des crèmes susceptibles d’aider la lutte contre le vieillissement de la peau. André Caudron continue de la produire dans la ferme des jésuites car ses propriétés se révèlent plus riches que celles qui poussent dans le Massif Central. Une question de biotope, évoque-t-il.
Patience et méthode.
Grâce à lui, l’onoporde atteint la célébrité. Mais, plus que la renommée, cette découverte lui apporte une consécration, la récompense d’une vie vouée aux plantes. À tel point qu’elles n’ont presque plus de secret pour lui. « Je les connais par cœur », affirme-t-il. Une connaissance qui s’est construite patiemment, avec méthode. Trop de charlatans s’en sont emparés, regrette-t-il en substance, les plantes demandent de la rigueur car, comme les médicaments d’origine chimique, l’usage doit en être contrôlé, il faut respecter les doses et surveiller les incompatibilités qui existent entre elles. « Sait-on, par exemple, que lorsque l’on met côte à côte de l’armoise et de l’absinthe, l’une des deux va mourir ? », demande-t-il. Les plantes peuvent se nuire, elles peuvent se soigner les unes les autres aussi, et André Caudron sait comment faire.
La reconnaissance que lui apporte l’onoporde est symbolique, car André Caudron ne s’est jamais enrichi sur le dos des plantes. Quand il a commencé à exercer son métier de pharmacien, à Calais, à l’époque de la toute puissance de la chimie, il se souvient d’avoir été parfois considéré par des confrères comme un « attardé mental ». Il n’a jamais croisé le fer contre les médicaments, qu’il utilise d’ailleurs également. « Je ne suis pas du tout contre, mais il est vrai qu’ils provoquent parfois des réactions secondaires, ce qui n’est pas le cas des plantes quand leur prescription est bien assurée », explique-t-il.
Transmettre.
Qu’à cela ne tienne ! Le pharmacien phytothérapeute poursuit ses travaux vaille que vaille et, bientôt, il peut enseigner et transmettre. Différentes facultés font appel à ses connaissances, à Lille, à Paris, les congrès se l’arrachent, et l’onoporde arrive, sans pour autant que cela ne lui apporte la fortune. « On ne s’enrichit pas à faire tout ce que j’ai fait », sourit-il.
Il est davantage préoccupé par la transmission de son savoir. « Ma passion des plantes est née à la libération, et j’ai pu tout de suite acquérir une pépinière en viager, occupée par vieux pépiniériste qui refusait toute entrée de produit chimique dans sa propriété, évoque-t-il. J’ai travaillé avec lui pendant trois ans. » Trois années durant lesquelles le vieil homme lui transmet tout son savoir. Et voilà André Caudron lui-même en situation de transmettre, ce qu’il fait avec un jeune agriculteur passionné. Cela ne suffira pas à assurer la pérennité de ce savoir, tant la disparition du diplôme d’herboriste, en 1940, lui a été préjudiciable. Malgré toutes ses années d’enseignement, André Caudron reste inquiet quant à la transmission de cette science de la phytothérapie.
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