Pourquoi tant de précipitation ? Le 14 novembre, Nicolas Revel, directeur général de la CNAM, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), ont rouvert les négociations conventionnelles. Pourtant, l’avenant 11 à la convention pharmaceutique signé le 27 juillet 2017 prévoyait que les partenaires se revoient seulement à partir du 1er semestre 2020. Mais l’assurance-maladie, à l’initiative de cette démarche, avait de bonnes raisons de devancer l'échéance. Car il s’agit pour elle de rééquilibrer au plus vite les comptes de la Sécurité sociale que menacerait un « trop perçu » par les pharmaciens au titre des honoraires spécifiques pour les années 2018, 2019 et 2020, soit 147,8 millions d’euros (voir ci-dessous). D’où l’urgence de renégocier les paramètres de l’avenant 11 à l’origine de ces « dérives ».
Les deux syndicats de pharmaciens étaient d’accord sur l'urgence de cette nouvelle négociation avec l’assurance-maladie. Mais pas pour les mêmes raisons. Pour l’USPO, il s’agissait avant tout d’éviter que ce trop-perçu ne soit réclamé à la profession via un arrêté de marge. La FSPF, de son côté, souhaitait déclencher au plus vite le dispositif conventionnel de sauvegarde, ou clause de revoyure, et élargir le débat sur la rémunération officinale à un périmètre plus vaste que celui de l’avenant 11.
Un honoraire complexe à 30 centimes
C’est dire les attentes des représentants de la profession le 14 novembre lors de la réouverture des négociations. Attente déçue du côté de la FSPF, fâchée de découvrir un texte qui a tout du compromis scellé d'avance. Selon cet « avenant à l’avenant 11 », l’assurance-maladie abandonne la menace de l’arrêté de marge. En contrepartie, les pharmaciens renoncent à la revalorisation de l’honoraire complexe à 1,02 euro qui devait intervenir au 1er janvier 2020, conformément à l’avenant 11, et concèdent même une perte de 72 centimes puisque cet honoraire sera ramené à 30 centimes contre 50 centimes aujourd'hui.
Autre concession demandée aux pharmaciens : la suppression de la ROSP RPPS*. Comme le commente Gilles Bonnefond, cette proposition ne fait qu’entériner la caducité de cette incitation financière puisque la loi santé oblige désormais les pharmaciens à saisir les numéros RPPS des praticiens hospitaliers (art. L.162-5-18 du Code de la santé publique).
En tout et pour tout, ce seront donc 70 millions qui reviendront à l’assurance-maladie, et 77,8 millions d’euros qui resteront au réseau officinal. Pour la FSPF, cette somme n’est pas seulement insuffisante, elle est inacceptable, à l'instar du contenu entier de l’accord. Pour signifier son refus catégorique d’aller plus loin dans les discussions, son président, Philippe Besset, a quitté la séance du 14 novembre, rejetant un texte qui nie, selon lui, la réalité économique de l’officine. Et, pire, contribue à aggraver la situation. « Car, déclare Philippe Besset, la rémunération totale de l’officine est d’ores et déjà inférieure à celle de 2016, année de référence inscrite dans l’avenant 11 de juillet 2017 ». « Le déremboursement de l’homéopathie va générer une perte de marge d’environ 120 millions d’euros, la ROSP générique va être réduite de près de 100 millions d’euros en deux ans, et le CICE, qui rapportait 100 millions au réseau tous les ans, est supprimé », souligne-t-il. Le message délivré par la FSPF à l’assurance-maladie est clair : le syndicat est prêt à négocier mais uniquement pour réviser à la hausse la rémunération des pharmaciens. Le contraire reviendrait à trahir la profession, estime Philippe Besset.
Reconnaissance de l'intervention pharmaceutique
Gilles Bonnefond, pour sa part, a le sentiment d’avoir remporté une double victoire. Cet accord a, selon lui, non seulement permis à la profession d’échapper à un arrêté de marge et à ses conséquences catastrophiques, mais il a également « validé le fait que la réforme surperforme et rapporte 80 millions d’euros supplémentaires au réseau ». Le président de l’USPO s’en félicite d'autant plus que le compromis portant sur le rééquilibrage économique a été assorti de trois mesures en faveur de l’exercice officinal.
Le pharmacien correspondant, statut reconnu par la loi santé, sera intégré dès 2020 à la base de données de l’assurance-maladie, une déclaration nécessaire pour que la participation des pharmaciens au suivi des personnes âgées et des patients chroniques puisse être opérationnelle au sein des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Deuxième point, les critères d’inclusion pour les bilans partagés de médication (BPM) sont simplifiés à l’extrême. Seront désormais éligibles tous les patients de 65 ans et plus polymédiqués (au moins cinq molécules ou principes actifs prescrits). À noter que les BPM seront étendus, sous forme d’expérimentation, aux patients résidant en EHPAD.
Mais la plus emblématique des avancées obtenues, est sans aucun doute la création d’un nouvel acte : l’intervention pharmaceutique ou dispensation adaptée par le pharmacien. Revendiqué de longue date par l’USPO, ce dispositif, déjà mis en pratique au Québec, consiste à valoriser la non-dispensation par le pharmacien de tout ou partie des traitements à posologie variable. « Un pas supplémentaire dans la lutte contre l’iatrogénie et en faveur du bon usage », se félicite Gilles Bonnefond, ajoutant que « les économies ainsi réalisées seront partagées entre les pharmaciens et l’assurance-maladie ». Restera à fixer les modalités et la traçabilité de ce nouvel acte. Une formalité pour l’USPO qui s’apprête à signer, seule, demain 19 novembre, l’accord avec l’assurance-maladie.
* Elle a augmenté légèrement cette année, à 276,80 euros (238 euros en 2018 au titre de l’année 2017).
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