APRÈS UN DÉVELOPPEMENT continu des groupements, depuis la fin des années 1980 jusqu’au début des années 2000, on assiste désormais à une stabilisation, voire à des concentrations. Une quarantaine de groupements se partagent le territoire, ayant, selon les cas, une vocation nationale, régionale ou départementale. Chacun développe sa propre stratégie, qui découle en partie de sa forme d’organisation. Parmi les groupements adossés à une structure, telle que grossiste-répartiteur ou coopérative, deux modèles se côtoient : les groupements créés par ladite structure et les réseaux d’abord indépendants qui se sont ensuite adossés à un autre acteur de santé.
L’OCP a été précurseur. Soucieux d’amortir la concurrence des groupements sur les achats, il crée Pharmactiv en 1988. Seuls Giphar (1968), Evolupharm et Giropharm (1986) précèdent sa démarche. D’autres naissent la même année (CEIDO, Optipharm) ou l’année suivante (Népenthès, Forum Santé), mais il faut attendre 2001 pour qu’un autre grossiste se lance sur le segment. « Nous formons désormais un vieux couple avec l’OCP, mais les choses sont clairement définies », affirme Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv. Bien qu’OCP détienne 100 % de Pharmactiv, un conseil de surveillance lui permet de travailler comme une entreprise indépendante. « Nous ne faisons pas le même métier, il est donc important de différencier Pharmactiv d’OCP. Nous bénéficions des structures de la maison mère, donc de l’informatique, des services juridiques, de la logistique, etc. » L’appui technique est apprécié, ainsi que le soutien financier et les capacités d’investissement. « Nous pouvons travailler sur du long terme et pérenniser des actions, nos partenaires se sentent rassurés. » Le fait de bénéficier des structures existantes et professionnelles d’OCP permet également de réduire les coûts, même si, en tant qu’entité indépendante, Pharmactiv paye sur facture les prestations d’OCP. Cette stratégie semble convenir à de nombreux pharmaciens : Pharmactiv compte 1 800 adhérents, soit 200 de plus que l’an passé, dont 256 sont passés sous enseigne (contre 201 en octobre 2009).
Traitement VIP.
Le grand concurrent d’OCP, Alliance Healthcare, a lancé son propre groupement en 2001, Alphega Pharmacie, « fortement positionné sur l’éthique, la prévention et le conseil ». Là encore, cette appartenance à un grossiste-répartiteur est vécue comme un point fort, « permettant partage d’expériences et de visibilité consommateurs, au-delà des frontières » puisqu’Alphega se développe au niveau européen. Il compte 1 150 adhérents en France et touche plus de 3 000 points de vente dans sept pays d’Europe. « Le réseau est adossé au groupe international de distribution de produits et de services de santé Alliance Boots », précise Laurence Bouton, directrice d’Alphega. En conséquence, le groupement se trouve « au cœur des priorités et des attentions de toutes les sociétés du groupe : développements, nouveaux services, etc. et les membres du réseau bénéficient de ce fait d’un traitement VIP ».
Dernier né des groupements créés par un grossiste, Altapharm a été créé à la demande des clients de D2P Pharma, fin 2009. « D2P Pharma a pour particularité d’être très transparent sur les remises, qui figurent en clair sur les factures. Les clients apprécient ce service et ont souhaité que nous allions plus loin. Or, pour négocier avec les laboratoires, il était nécessaire de se structurer en groupement », explique Fabrice Guigonnat, responsable groupement et directeur marketing. Dans le cas de ce jeune groupement, qui réunit 80 adhérents, le réseau et le grossiste sont complètement imbriqués, les adhérents d’Altapharm sont tous issus des clients de D2P Pharma. Entièrement tourné vers les achats et le référencement, le réseau est en phase de recrutement et ne cache pas sa stratégie d’absorption de groupements locaux. L’objectif ? 300 adhérents d’ici à 2012. « Aujourd’hui, tous les grossistes disposent d’un groupement. Se lier à son premier fournisseur est courant dans tous les autres secteurs. Des groupements nationaux nous sollicitent pour entrer dans notre capital, mais ce n’est pas notre stratégie. »
Mutualisation des moyens.
Si Phœnix Pharma est le seul grossiste-répartiteur à ne pas avoir créé son propre groupement, il a trouvé une autre façon d’être présent sur ce segment. Il est entré au capital du groupe Plus Pharmacie en 2007, à hauteur de 35 %, et a largement renforcé sa position à l’été 2009 en devenant actionnaire majoritaire (51 %). Les adhérents de Plus Pharmacie conservent près de 30 % des parts.
Objectif Pharma a une histoire relativement récente. Cette entité est issue d’une fusion de deux groupements datant de 2009 et juridiquement structurée depuis mai dernier. Pharmobjectif, créé en 2004 et adossé à CERP Lorraine (aujourd’hui devenu le groupe Welcoop, mais sans activité de grossiste-répartiteur) comptait près de 250 adhérents l’an passé. Pharma-Moselle, fondé en 1989, en réunissait une centaine. Après fusion, Objectif Pharma fédère 381 adhérents. En toute logique, le nouveau groupement est resté fidèle à son partenaire historique et s’est adossé au groupe Welcoop, en juin 2009. Pour le président, Jean-Pierre Dosdat, l’avenir est à ce type d’alliance, mais il faut différencier les divers alliés possibles. « Welcoop est une coopérative appartenant exclusivement à des pharmaciens, et non à des fonds de pension financiers, où le désir d’indépendance est bien réel. Dans ce sens, la coopérative n’a aucune volonté de créer une chaîne avec des gérants salariés si le capital devait s’ouvrir un jour. De par son mode de fonctionnement où chacun a une voix, le pharmacien coopérateur a la maîtrise de son indépendance », ajoute le président. Ouvert à des rapprochements avec des homologues et favorable à l’idée de travailler avec d’autres acteurs au « savoir-faire indéniable qu’ils désirent partager », Jean-Pierre Dosdat se dit « partisan de la mutualisation de moyens qui ne différencient pas les groupements (centrale d’achat, plateforme…) et qui les rendront plus forts encore dans le service à leurs adhérents respectifs ».
Valeurs partagées.
La Centrale des pharmaciens n’est autre que l’ex-Coopérative d’Île de France. Celle-ci a connu des déboires financiers qui l’ont conduite au redressement judiciaire. « Nous voulions une centrale d’achats et, par principe, nous ne pouvions pas laisser une coopérative engluée dans ses problèmes, nous avons donc racheté la Coopérative d’Île de France », expliquait, en octobre 2008, Yves Kérouedan, directeur général d’Astera. Un adossement considéré comme « un atout primordial » par le directeur de la Centrale, Christophe Sceau : « Le modèle coopératif est une dynamique collective au profit du développement individuel de ses membres. La dimension du groupe nous permet de créer des synergies avec les autres entités qui le composent. C’est l’opportunité pour les adhérents de la Centrale de bénéficier de tout ou partie de l’offre d’Astera. » Là encore, l’appartenance à un groupe financièrement solide est un appui inestimable en termes de trésorerie, d’investissements et… d’indépendance !
Forum Santé fait figure d’exception car son choix s’est porté, de longue date, « sur un partenaire financier solide et indépendant, afin d’aborder dans les meilleures conditions possibles les opportunités de rapprochement qui se feraient jour, à condition qu’elles se construisent sur des valeurs partagées ». Il s’agit de la holding Caravelle, dont l’activité consiste en la prise de participation dans diverses sociétés et la gestion de ces dernières. Présente dans le secteur de l’équipement des poids lourds, elle a aussi investi la pharmacie : la Cooper et Forum Santé. Pour Dominique Deloison, directeur général, « compte tenu de la dégradation rapide de l’économie de l’officine, les concentrations sont inéluctables » : Forum Santé est donc prêt. D’autant que Caravelle est spécialisé dans le redressement d’affaires en difficulté.
Pour le meilleur.
La plupart des autres réseaux sont indépendants, mais certains gardent un œil ouvert sur les opportunités. Fort de ses 850 adhérents et de ses 24 ans d’existence, Giropharm présente un axe de développement relativement constant dans le temps. Son leitmotiv reste centré sur le métier de pharmacien, spécialiste du médicament, en lui proposant un accompagnement sur les plans économique et professionnel. « Notre but est d’aller vers ce qu’il y a de mieux, c’est pourquoi nous restons ouverts et à l’écoute de la problématique des autres, nous réfléchissons aux opportunités du moment », lance le président, François Baudin. Chaque éventualité est étudiée consciencieusement, mais Giropharm avoue ne pas avoir trouvé chaussure à son pied. Car si un adossement ou un rachat devait avoir lieu, il faudrait que la mariée regarde exactement dans la même direction. « Nous restons ouverts… à l’âme sœur. Giropharm est un célibataire que j’espère assez attirant, et, s’il devait se marier, cela ne serait que pour le meilleur, pas pour le pire. » Nicole Mathis, directrice générale, le rejoint sur ce point en insistant sur la recherche de complémentarités. « Tout comme pour la formation, nous recherchons surtout des alliances qui nous permettent d’offrir le meilleur à nos pharmaciens. » L’ouverture ne veut donc pas dire qu’une fusion, une acquisition, ou autre adossement est réellement envisageable. Chaque adhérent possède une part de Giropharm, qui n’est donc pas conçu comme une structure capitalistique vouée à faire des bénéfices pour elle-même. En tant que propriétaires, tous les adhérents devraient donner leur accord en cas d’adossement, de rachat ou de fusion. « Nous fonctionnons un peu comme une coopérative, avec un double organigramme de bénévoles et de salariés, des commissions de travail auxquelles participent les adhérents, nos pharmaciens sont très impliqués dans le fonctionnement de leur réseau. » Et, en tout état de cause, si toute structure peut être achetée, ce n’est pas le cas des adhérents qui, si la formule leur déplaît, opteront pour un autre réseau.
Éthique et solidarité.
Optipharm se dit tout aussi ouvert sur son environnement et aux opportunités, tout en envisageant l’avenir avec sérénité. « Nous avons une politique de bannière et non pas d’enseigne, ce qui peut évoluer dans les années à venir, mais, en attendant, notre choix ne nous demande pas d’investissements qui nous demanderaient de gros apports financiers qu’un groupement sans appui aurait des difficultés à honorer », explique le président, Michel Quatresous. Dans ce cadre, Optipharm vit très bien sa vie d’indépendant mais ne critique nullement les alliances qui se mettent en place ou se renforcent. « Je ne ferme pas la porte. Même si nous n’avons pas de projet de fusion ou d’absorption, les choses peuvent évoluer si un jour nous sommes contraints d’aller vers l’enseigne. »
Sans répondre précisément à la question de prendre appui sur un autre acteur de santé, le président d’Univers Pharmacie, Daniel Buchinger, affirme que « le jeu des rachats ne fait que commencer, le pharmacien titulaire l’a bien compris. Univers Pharmacie saisira toutes les opportunités se présentant, en gardant le même leitmotiv : indépendance, éthique et solidarité ».
Enfin, viennent les irréductibles, des groupements pour lesquels une prise de participation dans leur capital n’est pas prévue dans leur code génétique. C’est le cas de DirectLabo, qui ne veut surtout pas « alourdir notre fonctionnement actuel », du groupe Apsara et de Développement Pharma Gestion Service (DPGS), convaincus de l’importance de ne pas dépendre d’un grossiste-répartiteur, tout en privilégiant de bonnes relations professionnelles. Ce dernier, jusqu’alors localisé dans le Nord Pas-de-Calais, touche désormais le département de la Vienne, d’où un léger changement dans son appellation (ex Douai Pharma Gestion Service). D’ailleurs, une fusion avec d’autres groupements locaux fait partie des éventualités futures, bien que les contacts pris jusqu’alors n’aient pas permis d’arriver à un accord. L’Association des grandes pharmacies de France (AGPF) parle, quant à elle, de partenariats renforcés avec des grossistes-répartiteurs, mais pas d’adossement. « Nous souhaitons conserver notre indépendance et nous sommes opposés à un rachat », précise Jean-Louis Marès, le président. L’acquisition d’autres groupements peut l’intéresser, il propose d’ailleurs aux réseaux qui le souhaitent de prendre contact.
Vision de la pharmacie.
Evolupharm est tout aussi catégorique. « Nous sommes bien peu de groupements accueillant plus de 300 adhérents qui peuvent se targuer de n’être adossés à aucune autre structure, ce qui m’inquiète, car ce sont des montages dans lesquels les pharmaciens n’ont pas leur mot à dire. » En revanche, son président, Pascal Geffray, envisage d’un bon œil une alliance, voire un mariage, avec une structure voisine, à partir du moment où elle a la même vision de la pharmacie qu’Evolupharm. « L’an dernier, deux petits groupements d’une cinquantaine de membres nous ont rejoints. Ils sont une centaine de mini-groupements en France qui auront besoin de grossir ou de rejoindre des structures déjà bien en place. »
Pour sa part, Giphar, qui dispose de sa propre structure économique avec la SA coopérative Sogiphar, n’a nullement besoin de s’adosser à un acteur de la distribution. Il bénéficie d’ailleurs des statuts de grossiste-répartiteur et de dépositaire. Quant à un éventuel rapprochement avec un homologue, la réponse fuse : « Ce n’est pas à l’ordre du jour. »
Népenthès ne dit pas autre chose. « Notre philosophie a toujours été de rester indépendant de tous, que ce soit des grossistes-répartiteurs ou de l’industrie pharmaceutique. C’est la raison pour laquelle nous avons eu à cœur de fédérer un grand nombre d’adhérents, de façon à pouvoir développer notre propre logistique », rappelle Alexandre Aunis, directeur adjoint en charge des enseignes et de la communication. Quant aux alliances qui se multiplient et le mouvement de concentration en cours, le 1er groupement de pharmaciens en nombre d’adhérents constate simplement que « peu de groupements en dehors de Népenthès, Giphar et Evolupharm seront encore indépendants demain car tous les autres sont déjà plus ou moins liés ». Les raisons sont logistiques et financières. Népenthès a travaillé son indépendance en assurant une robustesse de sa trésorerie, de sa capacité d’investissement et de son offre logistique et industrielle. « Chez nous, le pharmacien reste indépendant à tous les niveaux, nous sommes là pour l’aider économiquement et dans sa dynamique de vente. D’où nos enseignes, que nous avons lancées tardivement pour pouvoir d’abord assurer le lancement des MDD et donc garantir l’indépendance du pharmacien sous enseigne. »
Croissance externe.
Il existe finalement différents degrés d’acceptation et tous les groupements sont conscients qu’alliances et partenariats sont utiles pour offrir les prestations attendues par leurs adhérents. Ainsi, le groupe PHR dispose d’une multiplicité de partenaires, en fonction de leur domaine de compétence, pour mieux s’affranchir de toute idée de tutelle. « Nous nous sommes rapprochés du groupe Welcoop, d’OCP, de Téva France, de Novartis, de la banque HSBC, de l’agence de communication Venise, de l’expert du tiers payant Viamédis, de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), et nous avons renforcé notre indépendance. Nos adhérents et affiliés le vivent d’autant mieux qu’ils ont vu de nouveaux services différenciant naître et ces services, habituellement payants, sont désormais offerts », met en avant le président, Lucien Bennatan. Les rapprochements entre groupements sont une idée plaisante pour PHR, qui n’a jamais caché ses désirs de croissance externe. À ce titre, il vient d’acquérir un groupement aux Antilles. « Nous prendrons le temps qu’il faudra pour atteindre notre objectif : représenter 20 % des officines françaises, dont plus de 100 pharmacies sous enseigne. »
Pharmodel Group, dont l’axe de développement est centré sur l’indépendance des pharmaciens, juge les alliances qui se font jour entre groupements et grossistes parfaitement naturelles puisque « dans tous les autres réseaux de la distribution, la structuration est passée par ce type d’opérations ». Néanmoins, Rafaël Grosjean, son P-DG, distingue « les schémas succursalistes, les schémas de types coopératives avec mise en commun de moyens, et les réseaux d’entrepreneurs indépendants à destination d’entrepreneurs indépendants ». C’est ce dernier modèle qui est développé par Pharmodel, donc des « partenariats solides », mais sans s’adosser à qui que ce soit.
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