Fondée en 1640 par la congrégation des moines carmélites aux pieds nus, la pharmacie Santa Maria della Scala, située dans l’ancien quartier moyenâgeux du Trastevere, fait partie des visites incontournables durant un séjour à Rome. Le bruit court que cette officine serait la pharmacie privée la plus antique d’Europe occidentale. Mais ce titre est également revendiqué par l’Officina profumo-farmaceutica di Santa Maria Novella, un autre établissement situé à Florence et fondé en 1221par des frères Dominicains qui ont ouvert leurs portes au grand public en 1612. En attendant que la question de l’ancienneté soit tirée au clair, les moines aux pieds nus se consolent en pensant qu’ils sont entrés dans l’histoire par la grande porte en devenant la pharmacie officielle des papes en l’an de grâce 1800.
Au tout début, les locaux de l’officine réservée aux moines, sont installés au deuxième étage du couvent qui héberge cette congrégation. Situé dans un quartier populaire avec des ruelles sinueuses et des maisons remontant au Moyen Âge, l’endroit est pratique. Et puis, le couvent est aussi situé sur la droite de l’église Santa Maria della Scala, ce qui limite les pertes de temps en déplacement. En 1660, une nouvelle épidémie de peste est déclarée. Les moines carmélites ouvrent alors les locaux de l’officine à tous les Romains. Pour combattre la maladie noire, le frère Basilio de la Conception invente une eau aux propriétés, affirme-t-il, anti-inflammatoires. « À l’époque déjà, on estimait que si l’inflammation disparaissait, le corps pouvait alors retrouver son équilibre, sa tranquillité et vaincre la maladie », confie le père Tauro, recteur de l’église Santa Maria della Scala, également en charge de l’officine.
La pharmacie des papes
Enfermé dans son laboratoire, le frère Basilio multiplie les inventions. Il crée l’un des premiers dentifrices et aussi, une eau de mélisse pour soulager les douleurs menstruelles. Dans les couloirs du palais pontifical, des bruits courent sur les moines aux pieds nus qui sauraient soulager de nombreux maux. Les apothicaires de Santa Maria della Scala sont bientôt chargés de préparer des potions pour les souverains pontifes. La consécration arrive en 1800 : l’officine devient la pharmacie des papes. Pour éviter d’être reconnus, les souverains pontifes arrivent en catimini et passent par une porte latérale.
L’année de grâce 1870 marque un tournant dans la vie de l’officine. Le 20 septembre, les troupes italiennes prennent la cité éternelle. Quelques jours plus tard, Rome est annexée au royaume d’Italie et la fin des États pontificaux et du pouvoir temporel des papes sont décrétés. L’officine est momentanément expropriée. Les années passent, les carmélites perfectionnent leurs techniques et multiplient les préparations tout en se lançant dans la diversification.
Un patrimoine mondial
Au siècle dernier dans les années 1950, les moines déplacent la pharmacie au rez-de-chaussée du couvent. Les anciens locaux sont transformés en musée. Les étagères où sont posés les précieux bocaux antiques contenant les potions préparées par les anciens apothicaires, sont retapées, ainsi que les fresques monumentales qui ornent les plafonds. Une petite armoire est construite pour conserver une bouteille d’eau contre la peste, mais sans la recette, le frère Basilio ayant emporté son secret dans l’au-delà. Une grande amphore trône au milieu de la pièce principale. Elle contient un puissant antidote à base de venin et de chair de vipère, un produit considéré auparavant comme la panacée contre tous les maux.
À l’ère d’Internet et de la pandémie, cet endroit pour le moins unique en Italie devait inévitablement finir sur la Toile. C’est chose faite depuis qu’une équipe de chercheurs italiens, espagnols et portugais ont reconstruit en 3D l’antique pharmacie avec son laboratoire, sa bibliothèque et la grande pièce contenant les potions. Pendant plusieurs mois, les spécialistes de l’ENEA, l'Institut italien de métrologie des rayonnements ionisants, de l’université Ca’Foscari de Venise, le laboratoire portugais Hercules (Evora), et de l’université de Valence en Espagne, ont également analysé la composition des anciennes potions pour évaluer leur état et organiser leur conservation. L’objectif de cette opération est de divulguer ce qu’ils considèrent comme un patrimoine mondial, d’étudier l’évolution de la pharmacologie au cours des siècles et d’ouvrir les portes de cette officine au monde entier.
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