« En une année, j’ai acquis l’équivalent de dix années d’expérience », affirme Julien Reignier, premier compagnon du réseau HPI Totum. En 2011, il essuie les plâtres de cette idée novatrice en pharmacie : proposer à de jeunes diplômés de faire un « Tour de France » des officines.
« C’est une façon de recruter, former les nouveaux pharmaciens du réseau, leur faire découvrir les bonnes pratiques et recevoir en retour la fougue, la formation de leur jeunesse et les savoirs pris dans les autres officines », explique Mehdi Djilani, président du groupement HPI Totum (200 officines).
Financé par le réseau*, le compagnonnage Totum fête ses dix ans. Il a permis la formation d’une quinzaine de jeunes pharmaciens, dont quatre sont installés et 7 en voie d’installation.
« Mon tour de France a été le déclencheur de mon installation en 2012, explique Julien Reignier. Parmi les 35 officines où j’ai travaillé, j’ai rencontré celle de Mérindol (Vaucluse) où je me suis associé. De cette période, je retiens l’extraordinaire aventure humaine, la rencontre de titulaires à l’officine et dans leur famille. Ils sont presque tous restés des amis. »
« Beaucoup plus complet qu’un poste d’assistant »
Emmanuel de Sousa Ribeiro, lui, a découvert le compagnonnage par l’officine où il était en stage de 6e année. Ce Royannais de 28 ans effectue actuellement son tour de France de 6 mois : « J’ai tout de suite été attiré par l’aventure. « Collé » à un titulaire, on vit sa vie au jour le jour. On parle sans tabou de tout : chiffres, charges, management… C’est beaucoup plus complet qu’un poste d’assistant. On voit une grande variété d’officines, des petites rurales aux géantes des centres commerciaux. Enfin, c’est une bonne voie d’entrée dans le groupement, car j’ai un projet d’installation. »
À l’heure du Covid, Emmanuel fait un test Covid chaque semaine, avant d’entrer dans une nouvelle officine et d’entamer sa mission** : « Je passe du temps au comptoir pour sentir l’officine, échanger sur les bonnes pratiques vues dans les autres pharmacies. Je peux aussi faire un audit interne. Le réseau fait confiance aux jeunes ; à Calais, on m’a confié le lancement des tests antigéniques Covid en interprofessionnel. Enfin, je travaille sur ma « mission fil rouge. » Une mission transversale confiée à chaque compagnon par HPI Totum. Pour lui, il s’agit de former les équipes pour de la mise en place des entretiens pharmaceutiques en oncologie.
« Un regard neuf sur mon officine »
En face, les titulaires plébiscitent ces jeunes compagnons : « J’adore les accueillir, s’enthousiasme Julien Reignier, qui a dirigé pendant 10 ans la commission compagnonnage du réseau. Ils posent sur mon officine un regard neuf, très opérationnel, capable de remettre en cause des procédures et apportent beaucoup d’infos. Sans parler de la richesse humaine de la rencontre. » « Pour paraphraser une émission de téléréalité, c’est un peu "Vis ma vie de titulaire" », résume cette pharmacienne charentaise.
Le recrutement des jeunes compagnons s’appuie sur le bouche-à-oreille entre titulaires, mais aussi entre étudiants. Quant au profil demandé, il exige : mobilité, dynamisme entrepreneurial, sociabilité, ouverture à l’interprofessionnalité et une sensibilité qui place le patient au cœur du métier.
« Nous sommes les seuls à avoir mis en place et maintenu ce compagnonnage, conclut Mehdi Djilani. C’est un pari sur l’avenir, un modèle de partage collectif. » Et un formidable moyen de créer des liens forts entre les membres d’un groupement.
* Les officines d’accueil ne paient qu’un forfait pour les frais de déplacement du compagnon.
** Globalement : 1/3 remplacement du titulaire, 1/3 échanges de bonnes pratiques, 1/3 projet « fil rouge » pour le réseau.