Le Quotidien du pharmacien.- Avec plusieurs autres sénateurs, vous avez interpellé le gouvernement, fin 2020, pour que généralistes et pharmaciens participent à la campagne vaccinale contre le Covid. Aujourd’hui, nous y sommes. Comment jugez-vous la mise en place de la campagne ?
Bruno Belin.- L’implication de l’officine dans la vaccination n’est pas nouvelle. Elle a notamment fait les preuves de son efficacité au travers de la vaccination anti-grippale. En cela, il est dommage qu’elle arrive si tardivement concernant la vaccination anti-Covid. Le défi qui se posait en décembre dernier au gouvernement était d’établir la confiance. De nombreux sondages montraient en effet les réticences, voire la défiance de nos concitoyens à l’égard de la vaccination. Or le meilleur moyen d’installer la confiance aurait été d’utiliser les relais de proximité que sont les professionnels de santé de ville, médecins et pharmaciens, et pas de recourir aux grands vaccinodromes. Tous les indicateurs d’opinions le disent : les Français ont confiance dans leur pharmacien. Ces professionnels sont, avec les généralistes, les mieux placés pour faire passer ce message de confiance dans la vaccination. Tel était le sens du message que j’adressai au ministre de la Santé en séance publique au Sénat le 17 décembre dernier.
Aujourd’hui, avez-vous le sentiment que votre appel au ministre de la Santé a été entendu ?
Oui, mais cela a trop traîné ! Ceci étant dit, même si le ministre n’a jamais vraiment voulu l’admettre, nous avons conscience que, depuis le début, la question des stocks et des flux de répartition des doses vaccinales a été un facteur limitant très important. Les pharmaciens savent depuis longtemps gérer la chaîne du froid et la traçabilité des délivrances, cela n’a jamais été le problème. Ce n’est pas ça qui a retardé leur entrée dans la campagne. Le problème c’est que nous avons affaire à un gouvernement qui, lorsqu’il n’y a pas de stock suffisant, comme c’était le cas fin janvier, passe son temps à gérer la pénurie.
En décembre dernier, vous déploriez aussi le manque de transparence sur les stocks de vaccins. Cela a-t-il changé aujourd’hui ?
Depuis l’été 2020 on a rêvé du vaccin. Malheureusement, entre la mise en place des réseaux de distribution et l’armement des territoires, il y a eu beaucoup de ratés au démarrage. Le ministre avait beau tenter de rassurer, on voyait bien que les stocks n’existaient pas. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié de février que les promesses ont pu être tenues. Mais globalement, en matière de transparence, les choses ont peu changé. Prenez pour exemple ce qui s’est passé avec la suspension du vaccin AstraZeneca. Durant le week-end, le ministre de la Santé dit : « il n’y a pas de problème », le lundi suivant, le président de la République décide la suspension du vaccin…
Les autotests Covid à prélèvement nasal arrivent en France, sans que l’on sache encore par quel réseau ils seront distribués. Est-ce une bonne nouvelle ?
Tout ce qui peut permettre la protection de la population est une bonne idée. Même si cela peut paraître compliqué de laisser une personne seule face à un résultat médical qui peut perturber son entourage et lui-même. Quand nous réalisons en pharmacie un test antigénique - j’en ai déjà pratiqué plus de 700 dans mon officine —, un dialogue s’instaure entre le pharmacien et la personne testée qui permet de gérer l’éventuelle angoisse qui s’ensuit. Mais, je le redis, à chaque fois que se présente une solution qui permet de diffuser des moyens de protection, il faut l’encourager. Même si cela déclenche une guerre commerciale, même si Internet s’empare du marché, tant pis, allons-y. Nous sommes dans une course contre la montre. Il n’y a pas de temps à perdre.
Quels rôles jouent les sénateurs pharmaciens dans la haute assemblée ?
Nous sommes 8 pharmaciens au Sénat. Mais seulement deux, dont moi, à être encore au comptoir d’une officine. Une position qui permet de garder une connexion, et j’y tiens, avec la population. Nous partageons cette chance d’exercer un métier qui, par la polyvalence de notre formation et la proximité dans l’accompagnement humain, nous permet de faire remonter à nos gouvernants ce qui va mal. Cela nous donne, en tant que sénateur, une certaine liberté de parole que j’essaie d’employer, notamment depuis 6 mois sur les questions relatives à la crise sanitaire. À l’officine, j’aime bien être à portée d’engueulade, cela m’a donné l’occasion d’entendre les Français déroutés par la gestion des masques, puis des tests et maintenant des vaccins. Lorsqu’on vaccine Mauricette, on ouvre des espérances, mais on génère aussi de l’impatience. Voilà ce qu’on entend, ce qu’on ressent au comptoir d’une officine. Au-delà, la polyvalence de notre métier est une vraie chance dans l’application des textes qui sont présentés. C’est ainsi par exemple, que j’ai eu à me prononcer au sein de la commission aménagement du territoire et développement durable, sur la dérogation des néonicotinoïdes utilisés dans le traitement des betteraves.