Non seulement ils ignorent quand ils pourront s'inscrire, mais le nombre de centres d'accueil est insuffisant. Par définition, une personne de plus de 75 ans a du mal à se déplacer, ne conduit pas nécessairement et a besoin souvent d'être aidée dans ses mouvements. Lui dire de changer de ville et d'aller à quelques dizaines de kilomètres de son domicile pour se faire vacciner est absurde. La lenteur de la vaccination est la mère de toutes les difficultés pandémiques, car elle laisse des millions de nos concitoyens exposés à la contamination, ce qui conduit les autorités sanitaires à prendre de nouvelles mesures comme le reconfinement, le recours à deux masques plutôt qu'un et la prolongation du couvre-feu.
Nos dirigeants n'ont pas tort de dire qu'ils sont confrontés à une crise qui n'a pas de précédent. Qu'ils se battent sur tous les fronts, économique, social et sanitaire. Que les variants du virus ont introduit de nouvelles incertitudes, donc de nouvelles inquiétudes. L'ascension de nombre de cas de contamination, d'hospitalisation et de réanimation a rendu nos concitoyens favorables au vaccin, après une période de scepticisme qui faisaient d'eux une majorité, laquelle a fini par s'inverser. Dans un contexte aussi favorable, il fallait une vaccination massive, elle n'a pas eu lieu. Pire : des centres de vaccination ont fermé momentanément pour absorber les personnes déjà inscrites.
La peur de nos concitoyens
Non, tout n'est pas la faute du gouvernement. Il est astreint à la politique européenne pour ce qui est de la distribution des doses. Il se croyait obligé de convaincre peu à peu les Français de se faire vacciner et craignait plus le manque de patients que le manque d'aiguilles. Il voit la courbe de la contagion grimper au moment où les gestes barrières semblent bien peu efficaces par rapport au vaccin. Du coup, celui-ci devient aux yeux de toute la population, le seul et unique rempart contre la pandémie et, disons-le sans ambages, les personnes âgées commencent à penser que chaque jour qui passe est de plus en plus dangereux et que, si elles se contentent du confinement, elles mourront prématurément.
Il ne s'agit donc pas, en l'occurrence, de procureurs, mais de gens qui, certes après avoir relativisé le danger, ont peur. Undubitablement, les polémiques ont pris, à cause de la tension croissante, un tour hystérique. Les arrière-pensées électorales inspirent les jugements à l'emporte-pièce, l'incapacité des diverses oppositions de démontrer que, si elles étaient au pouvoir, elles feraient mieux que l'exécutif actuel. Il me semble que les personnes éligibles au vaccin se moquent, pour leur part, des régionales et des présidentielles. Que, comme Trump, Macron doit se rendre compte qu'il joue sa réélection dans cette affaire : ou bien il terrasse la pandémie (avec le concours de ses services, bien sûr) et il a encore une chance d'être réélu, ou bien il n'y parvient pas et dira adieu au second mandat.
Il est toutefois évident que la réussite de la campagne est à portée de la main, que le retard peut être rattrapé, et que les Français, qui savent établir la distinction entre succès et défaite, lui seront reconnaissants de les avoir sauvés en 2021. Sa réflexion sur les 67 millions de procureurs aurait été plus valable la semaine précédant celle où il l'a prononcée. Le mot lui a-t-il échappé ? En tout cas, il laissera une trace parce que nous sommes une démocratie où chacun est libre d'exprimer sa pensée. On rappellera donc au président de la République qu'il ne lui suffit pas d'être élu pour faire ce qu'il veut pendant la durée de son mandat, mais qu'il doit rendre des comptes au peuple de chacun de ses mouvements par l'entremise du Parlement.
Ce qu'on dit à la radio et à la télévision n'a qu'une importance mineure et anecdotique. En revanche, un programme, réussi ou non, est soumis à l'évaluation des députés et sénateurs et il s'applique avec le concours des élus locaux. On reprochait à Emmanuel Macron d'être trop sûr de lui. Voilà maintenant qu'il donne des signes de sérieuse incertitude.