Le gouvernement de George W. Bush a envoyé un corps expéditionnaire en Afghanistan uniquement pour se débarrasser d'Ossama Ben Laden, concepteur et auteur des attentats du 11 septembre 2001. Les autorités américaines avaient demandé, en vain, au mollah Omar, chef des talibans, de leur remettre Ben Laden. Il a fallu de longues années aux forces spéciales des États-Unis pour traquer et trouver enfin au Pakistan Ben Laden, qu'elles ont exécuté et dont elles ont immergé la dépouille dans le coin gardé secret d'un océan. Entretemps, les troupes américaines sont restées vingt ans en Afghanistan et, effectivement, elles ont énormément contribué à la prospérité et au développement économique et intellectuel de ce pays.
L'Amérique a conduit en Afghanistan la plus longue guerre de son histoire ; elle lui a consacré des sommes fabuleuses et elle y a perdu plus de 2 500 militaires. Barack Obama s'est hâté de dire que son pays ne perdrait plus de temps à tenter de construire une nouvelle nation. Donald Trump a ensuite négocié directement avec les talibans une évacuation ordonnée. Joe Biden a poursuivi cette politique. Il a cru, à tort, que l'armée afghane, financée et formée par ses soins, résisterait quelque temps (une année) à la reconquête talibane. Il s'est trompé et on n'a que de bonnes raisons de le lui reprocher. Mais il n'a jamais dit ou laissé entendre que les Américains resteraient en Aghanistan.
Si l'invasion de l'Irak par les forces américaines a été vivement contestée par les alliés de Washington, ils ont soutenu et participé à celle de l'Afghanistan, en dépit d'une doctrine diplomatique fondée sur la négociation et non sur le violence. De sorte que les commentaires les plus critiques contre les États-Unis viennent de chancelleries hostiles à toute intervention militaire et qui, paradoxalement, ne pardonnent pas l'évacuation de l'Afghanistan après avoir exprimé leur opposition à l'invasion de l'Irak. Leurs critiques sont tombées dans un contexte très favorable : l'humiliation infligée par les talibans à l'Amérique est un excellent argument pour soutenir une thèse à charge contre tout ce que fait l'exécutif américain.
La poudre d'escampette
Il demeure que les Afghans ne se sont pas battus, préférant la poudre d'escampette à la guerre. Ce qui démontre la vanité du nation building et en même temps que, après deux décennies d'efforts douloureux, même une grande puissance a le droit de lâcher prise. Les éternels commentateurs de salon ne l'entendent pas de cette oreille : ils auront été les premiers à applaudir l'élection de Joe Biden, si importante pour le droit, l'égalité et la justice, et les premiers à le désavouer, participant ainsi à une réélection de Donald Trump, ce qui serait une calamité non seulement pour l'Amérique mais pour le monde entier.
Nous avons tout intérêt, nous, Français, à ce que les électeurs américains pardonnent à Biden le désastre afghan. Le retour de Trump en 2025 sonnerait le glas des équilibres internationaux, l'Europe étant considérée par l'ex-président comme pire que la Chine. Joe Biden a sûrement essuyé un échec historique, mais a rapidement reconstitué les liens euro-américains et continue à participer activement à la coopération sécuritaire avec les Européens. Il y a une expresison galvaudée qui dit qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Il était licite de reprocher à Biden son faux-pas catastrophique. Il ne faut pas céder à un regain d'anti-américanisme qui augmenterait encore la part d'obscurantisme dont nous ne sommes pas encore débarrassés.