L’info ne vous a sans doute pas échappé. La pharmacologue chinoise Youyou Tu, 84 ans, a reçu la semaine dernière le Prix Nobel de médecine pour ses travaux menés sur l’artémisinine, un célèbre médicament qui a révolutionné, dans les années 1970, le traitement du paludisme. Ce que vous ne savez peut-être pas, en revanche, c’est que cette passionnée des plantes a découvert les propriétés de l’antipaludéen après la lecture d’ouvrages de médecine traditionnelle chinoise datant des IIIe et IVe siècles.
Trouver de nouveaux médicaments par l’étude des textes anciens, telle est la voie de recherche encouragée par la chercheuse britannique, Laurence Totelin, spécialiste de l’histoire des médecines grecque et romaine. Dans un article mis en ligne sur le site « The Conversation », l’historienne rappelle ainsi que nombreux sont les médicaments modernes dérivés de plantes dont les usages traditionnels sont répertoriés sur d’anciens parchemins. La quinine, par exemple, autre antipaludéen vedette, dérivée de l’écorce du quinquina jaune L. (Arbre tropical d’Amérique du Sud), la morphine issue de Papaver Somniferum L. (Pavot), ou encore la strychnine, poison venant de Strychnos nux vomica L. « Toutes ces plantes, souligne-t-elle, ont été utilisées durant des siècles, voire des millénaires, avant que les progrès combinés des chimies extractive et analytique ne permettent d’en isoler les principes actifs. »
De là à penser que le Vidal de demain est à retrouver dans de vieux grimoires, il n’y a pas loin. Mais Laurence Totelin tient à relativiser : « La lecture des textes pharmacologiques anciens, écrits en chinois, arabe ou grec, est souvent complexe. Avant Linné, les nomenclatures botaniques anciennes étaient instables et divers noms locaux pouvaient être utilisés. » Sans compter un autre obstacle de taille : « imaginez votre livre préféré de recettes de cuisine. Vous avez sans doute annoté celles que vous avez faites et précisé le succès obtenu à table. Dans les vieux textes, rien de tel, car les annotations y sont très rares. » Historien, pharmacologue et ethno-pharmacologue, telles sont donc les compétences requises pour dégoter au sein des vieux grimoires les succès thérapeutiques de demain.