Dispenser à l'officine une chimiothérapie ciblée orale suppose de rassembler en amont la documentation nécessaire, car ce type de dispensation ne s’improvise pas. Pour cela, il convient de consulter des sites de référence (voir encadré) dans l’attente de la livraison du produit qui n’est jamais en stock à l’officine ; il est utile d’en profiter pour télécharger la fiche produit qu’il conviendra de remettre au patient, assorti de commentaires précis, si cela n’a pas été fait à l’hôpital ou si le patient pense l’avoir égarée.
C’est ainsi que le pharmacien doit, en premier lieu, éviter tout risque de banalisation du traitement dans l’esprit du patient, un médicament pris par voie orale pouvant se trouver dévalorisé par rapport à une administration par voie parentérale.
Il est ensuite primordial de rappeler l’importance du strict respect du schéma posologique, en proposant éventuellement un calendrier de prises qui peut s’avérer très pratique dans le cas d’un plan de prise non continu.
Ne pas sous-estimer la toxicité du médicament
Un point essentiel consiste dans l’anticipation des effets indésirables (en n’évoquant le plus souvent que les plus fréquents et les plus graves nécessitants une consultation médicale sans délai) et ce qu’il convient de faire s’ils surviennent ; la mise en place de mesures préventives simples et la gestion précoce dès leur apparition revêt une importance clé. De fait, une mauvaise gestion des effets indésirables peut conduire à une altération de la qualité de vie et/ou à une mauvaise observance et donc à une baisse voire une absence d’efficacité.
« Attention à la sous-estimation de la toxicité du médicament en raison de son mode d’administration orale et à l’hétérogénéité de la compréhension par les patients », a prévenu Danielle Roquier-Charles.
La prévention des interactions médicamenteuses et la surveillance de l’automédication éventuelle font naturellement partie aussi des domaines d’interventions privilégiés du pharmacien, avec l’aide puissante du Dossier Pharmaceutique.
Enfin, le pharmacien a également vocation à s’impliquer dans le partage d’informations avec les autres professionnels de santé ainsi qu’à participer aux actions de conciliation médicamenteuse.
Prise en charge des effets indésirables
Chaque classe de produits expose, globalement, à des effets indésirables qui lui sont spécifiques. Dans l’exemple présenté, le cas concernait un patient atteint d’un carcinome rénal métastasé, bénéficiant d’une prescription de Sutent ; une gélule par jour pendant 4 semaines, puis arrêt durant 2 semaines, les prises devant s’effectuer toujours à la même heure. Rappelons que le sunitinib est un inhibiteur des récepteurs tyrosine kinase impliqués dans la croissance tumorale, la néoangiogenèse pathologique et la progression métastatique du cancer.
Ses effets indésirables les plus fréquents sont représentés par une hypertension artérielle (importance de l’automesure, pour laquelle les conseils du pharmaciens peuvent être très utiles), une insuffisance cardiaque (un essoufflement anormal doit attirer l’attention), des troubles digestifs (diarrhées, nausées, vomissements, stomatite), une fatigue, des troubles cutanéomuqueux (xérose, syndrome main-pied, retard de cicatrisation, modification de la couleur des cheveux, des céphalées, une altération du goût, des troubles hématologiques (anémie, leuconeutropénie, thrombopénie), des troubles rénaux (microangiopathie, protéinurie…), des arthralgies et des myalgies. Une hypothyroïdie peut également survenir après plusieurs mois de traitement (et nécessiter un traitement substitutif), dont les signes évocateurs sont représentés par une asthénie, une anorexie et une intolérance au froid.
Les effets indésirables doivent être notés dans le carnet de suivi du patient (remis par l’hôpital).
Les interactions médicamenteuses du sunitinib concernent les inhibiteurs et les inducteurs puissants du cytochrome 3A4.
Attention également à la prise concomitante d’antiacides, susceptibles de diminuer la biodisponibilité du produit.
Enfin, il convient de déconseiller au patient l’absorption de jus de pamplemousse ou de jus d’orange amère ainsi que le recours à la phytothérapie en raison de l’existence de nombreuses interactions ; cela concerne, notamment, le ginseng, le Ginkgo biloba, le chardon-marie, le millepertuis, la kava kava, l’ail…