« Cette étude est intéressante sur le plan conceptuel, car c’est la première fois que l’on montre que le traitement de l’ostéoporose exerce des bénéfices en dehors de la sphère osseuse, en l’occurrence dans le cancer du sein RE + (récepteurs aux œstrogènes) traité par anti-aromatases », se félicite le Pr Legrand. Plusieurs hypothèses pourraient rendre compte de l’impact des bisphosphonates (BP) sur le cancer du sein, soit par une action antitumorale directe par cytotoxicité vis-à-vis des cellules tumorales, soit de façon indirecte via la réduction du remodelage osseux et donc de la libération d’un certain nombre de facteurs de croissance potentiellement impliqués dans la croissance tumorale comme les TGFβ. Les BP pourraient limiter la stimulation des cellules tumorales « dormantes » persistant dans la moelle osseuse après traitement du cancer et expliquant la survenue tardive de récidives. En faveur de cette hypothèse, le fait que les BP n’ont d’impact sur le devenir du cancer du sein qu’après la ménopause et non en préménopause, étape pendant laquelle il n’existe pas d’hyperrésorption osseuse.
Un rôle protecteur
Certaines études avaient déjà montré que l’acide zolédronique utilisé en traitement adjuvant du cancer du sein permettait de réduire le risque de rechute et de métastases en post-ménopause (1). On pouvait se poser la question de savoir quelles étaient les relations entre état osseux initial et l’évolution du cancer. « Notre étude montre qu’il n’y a pas de relation entre l’existence d’une ostéoporose et le pronostic du cancer, mais que le traitement de l’ostéoporose semble exercer un rôle protecteur sur le plan cancérologique et ce avec une bonne tolérance », poursuit le Pr Legrand. Ce bénéfice persiste dans les tumeurs les plus graves de la cohorte, avec un risque de rechute réduit de 65 % si la patiente a reçu un traitement de fond de l’ostéoporose.
Certaines questions ne sont pas résolues : l’impact des BP sur les cancers non hormonosensibles, l’efficacité des BP chez les femmes non ostéoporotiques, position que défendent certains cancérologues. Enfin cette étude de cohorte ne permet pas d’identifier le ou les éléments efficaces dans la proposition thérapeutique globale qui comporte les conseils d’activité physique, l’apport de calcium et de vitamine D (sa carence est délétère vis-à-vis du cancer du sein) et les bisphosphonates.
D’après un entretien avec le Pr Erick Legrand, CHU
(1) EBCTCG group. Lancet. http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(15)60908-4