L’INTERPROFESSIONNALITÉ, ce doit être bien plus qu’un vœu pieu. Tel est, en substance, le message que sont venus porter médecins et pharmaciens lors du dernier salon Pharmagora. Pour eux, l’objectif est clair : démontrer l’intérêt de la coopération professionnelle et les diverses possibilités de sa mise en œuvre. Montrer par l’exemple ce qu’elle peut apporter, c’est ce que fait le Pr Alfred Penfornis, chef de service au Centre hospitalier régional universitaire, Hôpital Jean Minjoz (Besançon), qui témoigne des apports d’une démarche vers l’interprofessionnalité au sein de l’hôpital. « Le premier élément qui a déclenché la démarche, a été le constat que nous ne parlions pas le même langage selon les métiers, se rappelle-t-il. En 2002, médecins, infirmiers, nutritionnistes ont ainsi suivi une formation d’équipe de sept jours qui a tout changé. Chacun a alors pris conscience de son rôle et une meilleure communication s’est installée entre les professionnels. » Pour le chef de service, cela ne fait pas de doute, il faut absolument remédier aux carences de la communication entre les différentes corporations. Et pour cela, seules les formations d’équipe permettent aux professionnels de se mettre d’accord sur les valeurs et les messages à faire passer aux patients.
Avoir des objectifs communs.
En ville aussi les exemples de coopérations professionnelles réussies existent. C’est ce dont sont venus témoigner le Dr Éric Henry (médecin généraliste) et l’officinale Sabine Laperche, de la Fédération bretonne interprofessionnelle de santé (FBI). « Au début, nous nous sommes un peu lancés à l’aveugle, reconnaît le Dr Henry. Puis nous nous sommes mis d’accord sur un objectif commun. D’abord la prévention du suicide, puis plus tard, la maladie d’Alzheimer et la BPCO. Pour pouvoir faire œuvre d’éducation thérapeutique dans ces domaines, nous avons formé 14 soignants. » Sabine Laperche, pharmacienne et coordinatrice du projet BPCO, précise : « Les budgets alloués par l’URPS de Bretagne nous ont permis de réaliser ces programmes et d’en faire bénéficier une file active de 30 patients. » Il aura fallu deux ans à cette initiative locale pour monter le projet BPCO.
Plus théorique mais non moins engagé, le point de vue du Dr Roger Rua, président du Syndicat des médecins libéraux, se veut fédérateur : « Médecins et pharmaciens sont en complémentarité absolue », assure le généraliste qui préfère les termes de coopération interprofessionnelle à celui d’interprofessionnalité. Même si, reconnaît-il, les entretiens pharmaceutiques ont fait grincer quelques dents, nos professions sillonnent des champs de compétences complémentaires. Les structures existent où le dialogue peut s’installer, elles ont pour noms CNPS (Centre national des professions libérales de santé) et UNPS (Union nationale des professionnels de santé). « C’est au sein de ces organisations que nous avons pu monter quelques beaux projets communs », souligne le Dr Roger Rua.
Le tandem médecin/pharmacien.
« L’article 51 de la loi HPST, au lieu de consacrer la coopération entre les professionnels, a, au contraire, introduit le doute. Car au lieu d’inviter au "travailler ensemble", il sous-tendait plutôt la délégation de taches », regrette pour sa part Philippe Gaertner. Pour le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), fervent promoteur de l’interprofessionnalité, il faut bien distinguer deux grands types de relations interprofessionnelles : à l’hôpital le tandem médecin/infirmier, et en ville le tandem médecin/pharmacien. Dans ce contexte, deux priorités d’actions s’imposent, estime Philippe Gaertner : « Il faut d’une part garder les patients chez eux le plus longtemps possible, et, d’autre part, traiter le point de rupture qui existe encore entre l’hôpital et la ville. » L’interprofessionnalité aura besoin d’un financement, conclut le président de syndicat. Car, dit-il, « même si l’investissement personnel et bénévole reste nécessaire à l’initiation des projets, seule la rémunération sera en mesure de porter les expérimentations locales au niveau national et de les rendre pérennes dans l’intérêt du patient ».
Un avis partagé par le Dr Dominique Orliac, députée du Lot (PRG), pour qui « l’interprofessionnalité est aujourd’hui très hétérogène sur le territoire Français, il faudra sans doute la faire évoluer vers une meilleure organisation et par le biais d’un financement ». La coopération interprofessionnelle peut-elle aider les patients dans le parcours de soins ? « Certainement, estime Dominique Orliac, et en cela le maillage des officines peut beaucoup nous aider. »