LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. – Quels seront les temps forts du congrès national des pharmaciens organisé par votre syndicat en partenariat avec l’Association de pharmacie rurale et l’UTIP ?
PHILIPPE GAERTNER. – Trois tables rondes porteront sur des sujets d’actualité : l’évolution de la rémunération, la montée en puissance de l’automédication et le commerce en ligne, la mission Verger et les EHPAD*. L’occasion de faire le point avec des experts, mais aussi de débattre avec les confrères présents. Autre moment à ne pas manquer, les ateliers consacrés cette année au développement professionnel continu (DPC), à la désertification médicale et au décret sur les SPF PL. Le congrès national permet aussi de valider son obligation de DPC grâce à la séance de formation organisée par l’UTIP. Après les anticoagulants l’an passé, la séance portera cette année sur les patients asthmatiques non contrôlés.
L’évolution de la rémunération sera l’un des thèmes centraux de ce congrès. Où en est-on des négociations avec l’assurance-maladie ?
Il y a du retard dans la mise en place d’une rémunération mixte, car l’avenant devait être signé au plus tard le 31 décembre dernier. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 permet de déconnecter notre rémunération, pour partie, des volumes délivrés et du prix des spécialités, conformément à la convention signée l’an passé. Celle-ci prévoit l’instauration de 25 % d’honoraires d’ici à 2017, avec une première étape fixée à 12,5 %. Après des mois de discussions avec l’assurance-maladie, on nous a présenté pour la première fois le 10 octobre de réelles propositions qui permettraient d’atteindre pour partie ces objectifs. Même si aujourd’hui on ne partage pas complètement tous les chiffres avancés.
Il s’agit de celle prévoyant notamment la transformation du forfait à la boîte majorée de 47 centimes d’euros ?
En effet, l’assurance-maladie propose d’augmenter le forfait à la boîte de 53 centimes d’euro à 1 euro et de le transformer en honoraires. Toutefois, si cette hypothèse permet de déconnecter complètement une partie de nos revenus des prix, ceux-ci resteraient encore trop liés aux volumes. Mais il s’agit pour nous d’une avancée importante. Auparavant, on nous avait proposé un passage du forfait à 60 centimes, c’est-à-dire pratiquement pas de différence avec le forfait actuel. Là, on double pratiquement la base, ce qui permettrait de faire basculer 45 % de la rémunération officinale sous forme d’honoraires. La mesure serait assortie d’une modification des seuils des tranches de la marge dégressive lissée (MDL) afin que cette évolution de la rémunération s’effectue à périmètre constant pour l’assurance-maladie. Parallèlement, un honoraire de dispensation de 0,50 euro pour les ordonnances de cinq lignes et plus seraient mis en place. Ce qui représente tout de même 85 millions de prescriptions par an. Reste que pour nous, la mobilisation intellectuelle de l’analyse et la dispensation de ces ordonnances complexes valent plus que les 0,50 euro prévus. Au total, on obtiendrait 47 % de la rémunération, soit presque la moitié, complètement déconnectés des prix.
Ces propositions permettraient donc, selon vous, de sortir l’économie des officines du rouge ?
Ce sont de réelles propositions qui méritent d’être regardées dans le détail et améliorées. Par exemple, nous restons attachés aux honoraires liés à l’accompagnement des patients sous traitements substitutifs aux opiacés ou à l’intervention pharmaceutique sur une ordonnance entraînant une modification de la prescription par le médecin. Pour l’heure, les évolutions proposées par l’assurance-maladie permettraient de stabiliser l’économie des officines jusqu’à la fin de l’année 2015, en tenant compte des baisses de prix à venir. Mais, je le répète, nous devons encore travailler sur ces hypothèses car, selon les estimations de l’assurance-maladie, 90 % des pharmacies seraient gagnantes, mais 10 % perdantes.
Que répondez-vous à ceux qui disent que la FSPF capitule avant la bataille ?
Contrairement à d’autres syndicats, nous n’avons jamais mis de préalables aux négociations avec l’assurance-maladie. Car la convention et ses avenants représentent à nos yeux le bon cadre contractuel. Le contrat, c’est la convention ! La FSPF n’a donc jamais capitulé. Notre seule volonté est d’aboutir. Il faut être bien conscient que si on ne bouge rien, on va droit dans le mur.
Autre point essentiel pour nous : régler le problème des contrôles de la DGCCRF sur les contrats de coopération commerciale. Cela se fera dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 qui entend justement faire la transparence sur ces contrats. Nous sommes favorables à la transparence économique et fiscale. Elle existe déjà, tout étant clairement identifiable dans les comptes de résultats de nos entreprises. En fait, chacun de ces sujets - évolution de la rémunération et coopération commerciale - doit être traité avec les interlocuteurs pouvant le faire. Poser des conditions à des personnes qui ne peuvent y répondre ne sert à rien.
Quelle solution préconisez-vous pour mettre fin aux suspicions liées à ces contrats de coopération commerciale ?
Il faut corriger la réglementation qui est trop rigide. Mais attention, les ressources qui y sont liées ne peuvent nous être soustraites. Elles auraient pu paraître déraisonnables si elles avaient fait bondir les revenus des pharmaciens. Mais en réalité, ces contrats ont seulement permis de stabiliser les pertes considérables de marge consécutives aux différentes vagues de baisses de prix. Et aujourd’hui, ils représentent un emploi par officine. Ce que nous demandons, c’est que les services de l’État et le comité économique des produits de santé (CEPS) regardent de près la contribution de l’officine aux économies de santé. L’officine participe à hauteur de 35 % des économies alors qu’elle ne représente qu’environ 20 % des dépenses sur le médicament. C’est le plus gros contributeur proportionnellement dans les économies attendues par ce PLFSS, après avoir été largement touché les années précédentes. Ce qui fait que cela deviendrait insupportable. C’est pourquoi aussi nous avons une vraie obligation de réussir l’évolution de la rémunération.
Le PLFSS pour 2014 prévoit également d’expérimenter la dispensation à l’unité pour certains antibiotiques. Pourquoi n’y êtes-vous pas défavorables ?
C’est une question de cohérence. Si cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une action de santé publique pour lutter contre l’antibiorésistance, nous ne nous y opposerons pas. Car pour nous, le pharmacien a toute sa place dans la santé publique, nous ne pouvons pas avoir de double discours. Toutefois, cela nécessite d’établir des règles précises afin de garantir la traçabilité des médicaments, le respect des dates de péremption et l’information du patient, ainsi que de mettre en place des mesures de même nature sur les antibiotiques à destination des animaux. Il est également indispensable de définir une rémunération spécifique pour les officinaux.
La profession bouge. Elle est chahutée et il y a des gens en difficulté. Ce qui sera mis en place doit permettre de donner des perspectives à cette profession. Notre option est de faire en sorte que dans les prochaines années, le pharmacien soit un véritable acteur du premier recours tel que défini dans la stratégie nationale de santé et qu’il occupe une place plus importante dans la prise en charge des patients chroniques.