« La pharmacie en 2020 n’aura plus grand-chose à voir avec l’officine d’aujourd’hui ! » Laëtitia Hible, présidente des Giphar, et Lucien Bennatan, président du groupe PHR, sont totalement en phase sur ce constat. « L’officine de papa est bel et bien morte ». Et pour ces deux présidents de groupements, il appartient donc aux officinaux de se retrousser dès à présent les manches pour construire la pharmacie de demain.
Un futur très proche, puisque « 2020… c’est quasiment aujourd’hui », ne peut s’empêcher de préciser Lucien Bennatan. D’où la nécessité de mettre en place dès à présent cette officine du futur. D’autant que les pouvoirs publics ne devraient pas relâcher la pression sur le médicament. Au contraire ! Avec à la clé une situation économique de plus en plus difficile pour les officines.
« Lorsque la bouffée d’oxygène apportée par les génériques, en 2015, se sera envolée, il y a fort à craindre que les résultats que viennent de révéler les différents cabinets d’expertise comptable spécialisés ne laissent place, dans les années à venir, à un véritable marasme officinal », prédit Laëtitia Hible. Et Lucien Bennatan d’ajouter : « avec le développement des thérapies ciblées et la remise en cause du tout blockbuster c’est le modèle économique même de l’officine qui est à repenser. » D’autant que ces produits chers ne sont pas synonymes de richesse pour les pharmaciens puisque la marge est plafonnée. Il est donc urgent pour les officinaux de se préparer à relever le défi d’un nouveau système de santé.
Et pour les deux responsables, cela ne fait aucun doute : hors d’un groupement point de salut. « Le pharmacien doit se recentrer sur son cœur de métier et laisser le back-office à des spécialistes », explique ainsi Lucien Bennatan. C’est-à-dire à des structures organisées capables d’obtenir les meilleures conditions commerciales possibles.
Droit de communication élargi
Mais pas seulement. Selon Laëtitia Hible, « les groupements présentent aujourd’hui l’avantage de proposer à leurs adhérents des services qui leur permettent de mieux appréhender l’évolution de leur métier ». Giphar et PHR offrent ainsi un éventail de formations destinées à permettre aux pharmaciens de « mieux appréhender certaines pathologies et ainsi de mieux prendre en charge le patient, comme le leur permet, depuis 2009, la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST) ».
Une évolution qui, dans les faits, a été caractérisée par de nouvelles missions confiées aux pharmaciens, mais sans véritable moyen puisque la communication auprès du patient n’est toujours pas possible. Pour l’instant du moins, car « Federgy entend bien convaincre le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens de faire évoluer le code de déontologie pour obtenir à la fois la reconnaissance des groupements et le droit pour les pharmaciens de communiquer au-delà des seuls cas de création, de transfert ou de changement de titulaire », explique la vice-présidente du syndicat des groupements, Laëtitia Hible*.
Interprofessionnalité
De là à ce que ces structures proposent des services aux patients, il n’y a qu’un pas que Giphar et PHR ont d’ores et déjà franchi. La raison ? La nécessité d’éviter tout risque d’ubérisation de la pharmacie. « Outre le danger que constituerait une lutte basée sur le seul prix, l’avenir de l’officine ne saurait s’envisager sans une offre de services », explique Lucien Bennatan. Chacun de ces deux groupements a ainsi développé une palette spécifique, mais avec comme leitmotiv l’instauration d’une réelle interprofessionnalité.
Le groupe PHR a par exemple constitué un groupement d’employeurs mettant à disposition de ses adhérents, des diététiciennes, des infirmières, et demain sans doute d’autres professionnels de santé, « n’en déplaise à l’Ordre des médecins qui a intenté une action en justice pour exercice illégal de la médecine », explique avec sérénité Lucien Bennatan.
Quant au Giphar, il a fixé cinq priorités métiers – vaccination, sevrage tabagique, prise en charge du patient cancéreux, du patient diabétique et de la personne âgée – pour lesquelles le groupement développe des services clé en main pour ses adhérents.
Suivi personnalisé
Et dans l’optique de développer des coopérations interprofessionnelles pour constituer une véritable chaîne de soins autour du patient, les objets connectés constituent clairement une aide précieuse. « La digitalisation de la santé va permettre de changer de paradigme et, à terme, de passer d’une logique strictement curative à une logique préventive », explique Éric Sebban, fondateur de la société Visiomed, qui commercialise toute une gamme de dispositifs médicaux, à l’instar de ce thermomètre familial sans contact ou de ces pèse-personne connectés et « intelligents ».
L’un des enjeux de la e-santé consiste en effet à instaurer un suivi personnalisé des patients par le biais d’outils connectés, avec à la clé une amélioration de la prise en charge des patients chroniques. C’est dans cette perspective que Visiomed a créé une plateforme spécifique – Bwell connect – dont le but est de permettre une meilleure communication entre produits électroniques médicaux. L’occasion pour le pharmacien de se recentrer sur son métier en développant des actions de prévention, en améliorant l’observance et en instaurant une réelle orientation diagnostic.
* Voir sur ce thème notre précédente édition.