On assiste cette dernière décennie à un foisonnement des techniques de fécondation in vitro (FIV), dont beaucoup sont fondées sur des suppositions. Il est temps d’y mettre bon ordre. Plus de 300 scientifiques et médecins européens ont répondu présent à l’appel de la clinique espagnole Eugin (Barcelone) et promotrice du congrès EBART (pour Evidence Based Assisted Reproduction Technology).
« Le concept du congrès EBART n’est pas d’annoncer les "latest news", précise le Dr Rita Vassena, directrice scientifique de la clinique Eugin, mais de comparer et d’étudier les différentes techniques de FIV afin de faire le tri entre celles répondant aux critères de l’Evidence Based Medecine (EBM) et celles aux preuves scientifiques lacunaires ou sans aucune valeur ajoutée pour les femmes vis-à-vis de leurs chances de grossesse ». En effet, bon nombre de techniques sont pratiquées dans de nombreuses cliniques sans avoir encore démontré leur intérêt pour les patientes. « Trop souvent, des techniques obéissant parfois à des modes sont proposées sans que celles-ci n’aient démontré dans des essais prospectifs randomisés contrôlés leur supériorité en termes de probabilité accrue pour les femmes de tomber enceinte, regrette Valérie Vernaeve, directrice médicale d’Eugin. Ça n’est pas tant une question de sécurité mais de faux espoirs donnés aux femmes, au risque d’une perte de temps et d’argent », poursuit le Dr Vassena.
L’exigence de techniques validées
L’idée est que toute nouvelle technique soit dûment validée selon l’EBM mais aussi que le discours tenu aux patientes soit transparent. C’est par exemple le cas du Hatching ou « éclosion assistée » (qui consiste à fragiliser la zone pellucide) ou des caméras Timelaps placées dans les incubateurs d’embryons. À ce jour, rien ne permet d’affirmer qu’elles augmentent les chances de grossesse.
Même constat pour le dépistage chromosomique, une technique d’analyse des chromosomes embryonnaires (screening préimplantatoire ou PGS) dont la finalité est de sélectionner les embryons ayant le plus haut potentiel d’implantation. Les études ont été conduites chez des femmes jeunes qui disposent de nombreux embryons où il permet d’augmenter chez elles le taux de grossesse. « Or 90 % des tests PGS sont réalisés chez des patientes d’âge reproductif avancé, poursuit Valérie Vernaeve. Dans ces tranches d’âge, non seulement son intérêt n’a pas été démontré mais cela pourrait, selon des études, jouer au détriment de ces femmes qui disposent de peu d’embryons ». Des données à large échelle sont prochainement attendues.
La création d’un label reconnu
Deux études récentes montrent que lorsque l’on choisit des embryons euploïdes, le taux d’implantation est identique quel que soit l’âge. Ainsi « 80 % des fausses couches sont liées à des anomalies chromosomiques, chiffre le Pr René Frydman (hôpital Foch, Suresnes). Cela ne résout pas tout, mais mieux cibler ces embryons euploïdes pourrait être une solution avec un taux d’implantation tout à fait acceptable chez les femmes "âgées". Aujourd’hui, 70 % des embryons ne vont pas s’implanter. On sait les reconnaître, en partie, du fait de la recherche d’anomalies chromosomiques par un examen génétique. Cet examen est interdit en France, alors qu’il pourrait aider bien des femmes. Il ne faut pas forcément le proposer à toutes, mais par exemple chez des couples où il y a eu des fausses couches à répétition. » Avec le diagnostic et le dépistage préimplantatoire, un autre enjeu majeur est « celui des tests génétiques avant l’appariement des gamètes, ajoute René Frydman, qu’il faudra accompagner, non pas uniquement pour la PMA mais aussi dans le cadre d’une recherche plus générale sur l’ADN circulant ». Dans la dynamique du congrès EBART, la création d’un label reconnu par les sociétés savantes au niveau européen et les acteurs du domaine sera concrétisée dans les prochains mois, permettant d’évaluer le degré de preuve de chaque technique de FIV.