Le Quotidien du pharmacien.- Quels seront les temps forts du congrès ?
Philippe Gaertner.- Les temps forts s’organiseront principalement autour des trois tables rondes qui sont résolument tournées vers l’avenir de la profession. La première portera sur la convention pharmaceutique au cours de laquelle interviendront le directeur général de l’assurance-maladie, Nicolas Revel, le secrétaire général administratif de l’UNOCAM**, Éric Badonnel, et l’économiste de la santé Claude Le Pen. Les deux autres tables rondes aborderont respectivement la télémédecine, à laquelle l’officine doit participer, et la pharmacie de demain. Autre temps fort du congrès, les ateliers pratiques et une session de formation continue sur les thérapies ciblées en cancérologie.
L’une de vos tables rondes sera donc consacrée à la convention pharmaceutique. Pourquoi avez-vous décidé de ne pas parapher le nouvel avenant conventionnel ?
Pour nous, ce qui est proposé sur le plan de la rémunération réglementée, incluant les honoraires et la marge, conduit à une évolution négative de notre économie. Aujourd’hui, tous les chiffres diffusés par les signataires ne tiennent pas compte des futures baisses de prix. Or, pour nous, ces baisses doivent être intégrées au prévisionnel des quatre à cinq années à venir. Aucune profession n’a jamais signé une convention aboutissant à une décroissance de sa rémunération. Et tout cela est sans compter l’inévitable hausse des charges de l’entreprise. On sait notamment que les salaires augmentent naturellement d’environ 1,5 % par an, en dehors de toute revalorisation du point salarial, simplement par le mécanisme de l’ancienneté et de l’évolution des coefficients. De plus, il n’est pas envisageable de bloquer les salaires encore pendant cinq ans, alors que la valeur du point n’a pas bougé depuis deux ans. Autrement dit, les charges vont progresser annuellement au-dessus de 1,5 % dans les prochaines années. Notre refus de signer n’est pas lié au cap qui est donné par l’avenant, mais à la non prise en compte de ces évolutions dans l’enveloppe nécessaire pour accompagner la réforme. D’abord, nous sommes en dessous des montants pour lesquels nous nous étions mis d’accord avec l’autre syndicat dans le cadre de la plateforme commune. Ensuite, nous n’aurions pas fait les mêmes choix de modification de la marge, en particulier en ce qui concerne la marge dégressive lissée (MDL). Pour nous, il est en effet temps de quitter la MDL.
Vous avez en effet récemment proposé de supprimer la MDL. Comment envisagez-vous de la remplacer ?
Nous souhaitons vraiment détacher davantage la rémunération du pharmacien de la logique du prix du médicament. Et la MDL est complètement liée au prix. Plus précisément, nous voulons remplacer la MDL par un taux unique de 6 %, sauf pour la dernière tranche où nous gardons un taux à 0 %. Pourquoi 6 % ? Pour nous, ce taux permet de rémunérer la partie logistique. Mais il ne faut pas descendre en dessous, comme le propose l’avenant conventionnel. En fait, nous considérons qu’instaurer un taux de marge de 11 % pour la partie du prix des médicaments compris entre 0 et 1,91 euro est dangereux. Cela « resensibilise » la rémunération aux baisses de prix, dans une tranche qui représente tout de même 48 % des unités vendues ! Sur la dernière tranche, on ne peut pas diminuer la rémunération actuelle. Avec les modifications prévues par les propositions de fin de négociations, le montant de la rémunération pour les produits à partir de 1 500 euros va passer d’un peu plus de 97 euros aujourd’hui à moins de 76 euros. Des efforts ont été consentis sur ces produits lors de la dernière convention et il n’est pas possible de réduire davantage la rémunération de ces médicaments. Par ailleurs, le montant de 0,50 euro pour le nouvel honoraire à l’ordonnance est, à nos yeux, trop faible. Il ne doit pas être fixé en dessous d’un euro. Ce qui est possible en fixant le taux de la première tranche à 6 % au lieu de 11 %. En effet, cela permettrait de dégager de la marge de manœuvre en termes de rémunération. En fait, pour se détacher davantage du produit, il faut donner plus de poids à l’honoraire à l’ordonnance. Sinon, notre rémunération sera encore trop sensible aux baisses de prix. Le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) est là pour le prouver.
À combien évaluez-vous l’impact du PLFSS 2018 sur les pharmacies ?
Le PLFSS pour 2018 risque malheureusement d’impacter l’économie de l’officine encore plus fort que nous le pensions. Selon le LEEM, les baisses de prix sur les médicaments représenteraient 1 milliard d’euros. L’an passé, elles s’élevaient à 840 millions d’euros… Ce qui signifie que l’an prochain, l’impact des baisses de prix sera supérieur, de l’ordre de 120 à 130 millions d’euros de perte de marge. Or le nouvel avenant ne prévoit d’apporter que 70 millions d’euros au réseau en 2018. Nous sommes donc très inquiets. D’autant que les confrères qui ont fait le choix d’être davantage professionnel de santé, qui ont une activité importante dans la prise en charge des patients chroniques, sont les plus touchés par ces mesures.
Vous demandez justement la mise en place d’une ROSP structure pour aider ces pharmaciens. De quoi s’agit-il ?
Un des moyens de corriger l’impact sur ces pharmacies peut être en effet la création d’une ROSP structure, dans des zones, par exemple, où l’on veut maintenir une activité officinale. En pratique, il pourrait s’agir d’intégrer une part forfaitaire dans la rémunération. Les paramètres restent encore à définir, mais ce forfait pourrait reposer sur le nombre de patients chroniques en ALD d’une pharmacie. Le principe pourrait ressembler à celui du médecin traitant.
Pourquoi souhaitez-vous une remise à plat de l’économie générique ?
Aujourd’hui, l’économie du générique n’est plus équilibrée. Si l’on regarde la rémunération de l’officine pour la partie « produits remboursables », on se rend compte que les génériques, qui représentent à peu près un tiers de l’activité en volume, participent à plus de 40 % de l’économie officinale pour les produits à prix réglementé. Dans la précédente convention, il existait des dispositifs complémentaires au changement du mode de rémunération. Je pense aux ROSP, et en particulier à la ROSP générique, ou au principe du tiers payant contre générique. Dans le nouvel avenant, il n’y a quasiment rien pour compenser les baisses de prix et encourager le développement des génériques.
Comptez-vous engager des actions pour dénoncer cet avenant, comme vous l’aviez annoncé il y a quelques semaines ?
Les présidents des syndicats départementaux affiliés à la FSPF se réuniront demain. Des décisions pourront être prises à l’issue de cette réunion. Aujourd’hui, on sent une grande irritation chez nos adhérents. Ce sentiment est renforcé par le contexte actuel, entre la décision de rendre obligatoire la prescription pour les spécialités contenant de la codéine, ou celle concernant le Lévothyrox.
Justement, comment jugez-vous la gestion du cas Lévothyrox par les autorités sanitaires ?
Au comptoir, cela a été catastrophique ! Les équipes officinales ont très mal vécu les différents revirements des pouvoirs publics. Pendant les mois qui ont précédé l’arrivée de la nouvelle formule du Lévothyrox, elles ont passé beaucoup de temps à expliquer aux patients ce changement, que l’on ne reviendrait pas en arrière et qu’il fallait réajuster les dosages. Et puis, on leur annonce un retour à l’ancienne formule pour une période transitoire… C’est incompréhensible. Sans parler des messages affirmant que le médicament était disponible en pharmacie alors que, très rapidement, les stocks ont été épuisés en raison d’un approvisionnement au compte-gouttes. Les pharmaciens se sont sentis abandonnés par les autorités de tutelle et ont dû affronter la colère des patients. Mais au-delà, ne pas avoir réussi à transformer l’essai de la convention est une véritable déception pour nous, car les enjeux pour l’officine sont importants, et on ne négocie que tous les 5 ans. Néanmoins, il reste une série d’ajustements possibles.
*Le Congrès national des pharmaciens est co-organisé par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’Association de pharmacie rurale (APR) et l’association de formation continue UTIP.
**Union nationale des organismes complémentaires d’assurance-maladie.