CHAQUE ANNÉE, lors de son forum, Giphar propose à ses adhérents un rendez-vous qui sort des sentiers battus de l’habituelle actualité officinale. Pour l’édition 2013, le réseau avait choisi d’accueillir Aimé Jacquet, l’emblématique entraîneur de l’équipe de France qui a conduit ses joueurs à la victoire en 1998. Il est revenu sans ambages sur sa carrière de sportif, illustrant ainsi parfaitement le propos du Pr François Carré, cardiologue, physiologiste de l’exercice, chef de service au CHU de Rennes et président du Club des cardiologues du sport.
« Je vais essayer de vous convaincre que nous, médecins, avons besoin de vous, pharmaciens, pour faire passer des messages. Car aujourd’hui, la population n’a absolument pas conscience de ce vers quoi elle va si elle ne change pas son mode de vie », dit en préambule le cardiologue. Études et chiffres à l’appui, François Carré énumère les facteurs de risque de mortalité dans le monde. Sur le podium : l’hypertension artérielle, le tabac, et le diabète de type 2, ex aequo avec la sédentarité. « Oui, la sédentarité tue, elle est à l’origine de 6 à 10 % des maladies non transmissibles : maladies coronaires, infarctus du myocarde, diabète de type 2, cancers du côlon et du sein. En 2008, elle a tué 5,3 millions de personnes selon l’OMS, soit plus que les 4,9 millions de morts du tabac. » Un amer constat qui a poussé l’Organisation mondiale de la santé à communiquer des recommandations en faveur de l’activité physique en 2010. Une étude américaine a démontré que 60 % des 18-24 ans pratiquaient le niveau d’activité physique recommandé, mais ce pourcentage n’est plus que de 40 % pour les plus de 65 ans. Mais au lieu de désigner l’obésité comme responsable en partie de la sédentarité, les différentes études menées font exactement le contraire.
Réveiller les consciences.
« Il y a de plus en plus d’obèses, alors que les apports lipidiques et énergétiques n’ont quasiment pas changé. En revanche, l’augmentation de l’obésité fait miroir à la hausse du nombre de voitures par foyer et l’explosion du nombre d’heures passées devant la télévision », remarque François Carré. C’est pourquoi le problème principal n’est pas tant la malbouffe, mais le fait de ne pas bouger, qui est catastrophique s’il est associé à une mauvaise alimentation. « En 2012, 72 % des Français disent ne pas pratiquer d’activité physique régulière. Ils ne bougent pas, passent leur temps assis ; ce qui, cumulé avec le sommeil, représente 14 heures par jour sans bouger. Le surpoids est davantage dû à la baisse d’activité physique qu’à l’augmentation des apports caloriques. C’est important de faire comprendre que l’essentiel est de bouger. »
Un discours qui devrait réveiller quelques consciences. Aujourd’hui, ce n’est plus un secret, mais ces assertions doivent maintenant être largement diffusées : plus on reste devant la télévision et plus on risque de mourir tôt. Les gens qui restent devant leur écran ont plus de risque de développer un cancer que ceux qui bougent. Plus faible est la capacité physique et plus faible sera l’espérance de vie. « Il n’est pas question d’être un sportif de haut niveau comme Aimé Jacquet ; il suffit de se lever de sa chaise et de bouger, de monter deux étages plutôt que prendre l’ascenseur, de descendre un arrêt de bus ou de métro plus tôt pour marcher davantage… L’effet de l’activité physique est bénéfique sur le diabète puisqu’elle fait baisser l’hémoglobine glyquée de 0,8 %, sur la dyslipidémie en augmentant le bon cholestérol de 0,25 mg/l, en faisant baisser l’hypertension artérielle, elle permet une meilleure abstinence à l’arrêt du tabac, elle diminue le risque de cancer du sein de 25 %, de cancer du côlon de 40 %. »
Le cardiologue est intarissable sur les bienfaits de l’activité physique dans la qualité de vie de tous, rappelant qu’aucune pathologie ne la contre-indique. Seule la sédentarité devrait être contre-indiquée. C’est pourquoi le Club des cardiologues du sport en appelle aux pharmaciens pour faire passer la bonne parole au comptoir et les invite à distribuer ou exposer une affiche informative disponible sur leur site Internet. « Restons humbles, conclut François Carré, nous n’avons rien inventé. Hippocrate disait déjà que le meilleur médicament pour l’homme est la marche. »