« JE CROIS que tout le monde est d’accord pour dire que les méthodes de création de vaccins utilisées jusqu’à présent ont atteint leurs limites. Les pathogènes émergents, dans la dengue, l’hépatite C, la malaria… ne peuvent être contrôlés », explique le Dr Yahia Chebloune, directeur de recherche à l’université Joseph-Fournier de Grenoble. En réaction à la publication de l’équipe du Scripps, parue dans « Nature », ce dernier ajoute : « On a besoin d’innovation et, justement, celle-ci en est une belle ; elle va donner un coup de fouet à la recherche sur les vaccins de l’avenir ».
Il existe actuellement deux pistes de recherche en vaccinologie – deux voies complémentaires. Celle des cellules tueuses, qui ciblent les cellules infectées, et celle des anticorps pour neutraliser les pathogènes. Face à la pauvreté des résultats obtenus dans la production de vaccins naturels, et avec l’avènement des nouvelles technologies, les chercheurs s’intéressent de plus en plus à la fabrication d’anticorps artificiels plus puissants. C’est dans ce cadre que l’équipe du Scripps a mis au point un vaccin contre le VIH qui semble surpasser les versions mises au point jusqu’à présent, du moins in vitro et chez l’animal.
« Le génie de cette équipe, c’est d’avoir synthétisé une molécule qui s’attaque aux deux sites les plus conservés du virus. Les autres anticorps ont des épitopes uniques, ils ne font pas ce pont, ils sont donc moins affins », explique le Dr Chebloune, qui met cependant en garde contre des conclusions trop hâtives : « C’est une avancée fondamentale certes très innovante, mais aussi très préliminaire – il nous faut plus de recul ».
Les chercheurs devront suivre à la loupe la réaction des singes vaccinés pour identifier une éventuelle réaction de l’organisme face au corps étranger. « Si au bout d’un moment l’organisme décide d’éliminer le vaccin, le réservoir viral reviendra au galop, quelle sera alors l’alternative ? » demande par exemple le Dr Chebloune, qui rappelle également la fantastique capacité d’adaptation du virus.