« LE PRIX Nobel de chimie 2009 est le troisième d’une série de prix qui montre à quel point les théories de Darwin ont été fructueuses du point de vue moléculaire. » Après les prix attribués en 1962 à James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins pour la découverte de la structure
de l’ADN et en 2006, à Roger D. Kornberg pour avoir réussi à obtenir une structure cristallographique de l’ARN polymérase II en plein travail de transcription de l’ARN messager, c’est au tour de Venkatraman Ramakrishnan, Ada Yonath et Thomas Steitz de recevoir la distinction pour leurs travaux sur les ribosomes. Dans leurs attendus, le comité Nobel souligne que tous ces travaux ont permis de lever le voile sur les structures chimiques de la vie, encore mystérieuses au début du XXe siècle ; tous ont élucidé quelques-unes des questions suscitées par la théorie darwinienne : qu’est ce qui est réellement transmis de génération en génération ? Comment expliquer la variation et où peut-elle survenir ? Comment cela se traduit-il chez les organismes vivants ?
Une cible pour les antibiotiques.
Les lauréats de cette année ont permis de comprendre le rôle des ribosomes, un des éléments les plus complexes de la machinerie cellulaire, dans la traduction de l’information génétique contenue dans l’ARN messager et la synthèse des protéines. À partir d’un simple code inerte contenu dans l’ADN, le ribosome permet la production des dizaines de millions de fonctions spécifiques. Sans eux, « il n’y aurait pas de vie ». Ils permettent la production de protéines indispensables, hémoglobine, insuline, anticorps ou encore kératine. En 2000, à un mois d’intervalle (août et septembre), Ada Yonath et Venkatraman ont publié la structure tridimensionnelle de la petite sous-unité (30S) et Thomas Steiz celle de la grande unité (50S). Cette image détaillée du ribosome autorisait une lecture fonctionnelle précise du ribosome. Elle a notamment permis de développer de nouveaux antibiotiques, « aidant directement à protéger la vie et à faire diminuer les souffrances de l'humanité », souligne le comité Nobel. Sans ribosome en état de fonctionner, la bactérie ne peut survivre. Les antibiotiques agissent en bloquant les fonctions des ribosomes des bactéries, qui, comme tous les êtres vivants, en sont dotés. Les ribosomes sont une cible pour la moitié des molécules antibactériennes actuellement sur le marché et en développement.
Ada Yonath, Israélienne de 70 ans, est la quatrième femme à recevoir le prix Nobel de chimie. « J'étais chez ma fille en Israël et la première réaction a été celle d'une joie débordante. Elle était si heureuse que ma joie a été décuplée », a-t-elle expliqué à l'annonce du prix. Au début de ses travaux, elle ne s'attendait pas à ce qu'ils aient une telle application pratique médicale, a-t-elle souligné. Thomas Steitz, 69 ans, Américain et professeur à l'université de Yale (nord-est), est cofondateur en 2001, d'une entreprise pharmaceutique destinée à exploiter les découvertes. « J'étais en train d'aller à la gym, mais heureusement la personne qui m'a appelé de Stockholm m'a dit que je ferais mieux de ne pas y aller, qu'il y allait avoir des coups de téléphone », s’est-il enthousiasmé. Venkatraman Ramakrishnan, né en Inde en 1952 et qui enseigne à Cambridge, en Grande-Bretagne, a, lui, souligné que les lauréats du Nobel n'étaient que « les capitaines d’une équipe » dont les efforts ont été renforcés par de nombreux chercheurs.