Le microbiote n'est pas seulement une collection de bactéries mais un système bien structuré. Il existe des configurations écologiques particulières qui soulignent des espèces partagées ou signent le phénotype physiopathologique spécifique d'un individu.
« Avec les outils de la métagénomique nous avons pu décrire entièrement l'écologie intestinale et nous avons fait une découverte majeure, celle des entérotypes, assure Joël Doré, PhD coordinateur de l'ouvrage et directeur de recherche INRA Jouy-en Josas. De même qu'il existe des groupes sanguins, le microbiote peut être classé en trois entérotypes. Ces signatures bactériennes intestinales s'avèrent indépendantes de l'origine géographique d'un individu, de son âge ou de son état de santé. Elles sont principalement déterminées par l'abondance de certains types de bactéries, mais aussi par leur potentiel génétique », précise le directeur de recherche.
La richesse en gènes et espèces bactériennes est un marqueur de bonne santé de la symbiose liant les individus et les bactéries du système digestif. Ces données pourraient permettre une utilisation préventive et clinique visant à rétablir ou préserver l'équilibre de cet écosystème. En cas de dysbiose, marquant une rupture d'équilibre, on observe une restriction de la biodiversité ou une réduction du nombre de gènes microbiens. Reste que si sa composition peut varier dans le temps sous l'influence de nombreux facteurs, le microbiote dominant, établi dès la naissance, dispose d'une très grande capacité à revenir à son état initial (ce que l'on appelle résilience). En revanche, les modalités précises d'établissement des trois entérotypes ne sont pas encore connues.
Pathologies liées à la dysbiose
À ce jour, on connaît bien les multiples fonctions physiologiques de cet organe au sein de son hôte, mais son impact sur certaines pathologies (maladies inflammatoires, métaboliques, troubles du comportement) reste encore à élucider. Un excès de bactéries pathogènes ou un manque de micro-organismes bénéfiques semble être un facteur de risque de survenue d'anomalies physiopathologiques dans l'obésité, le diabète, la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique (RCH), les maladies hépatiques, neurologiques, les allergies ou encore les cancers.
De plus en plus étudiée et comprise, la dysbiose pourrait être utilisée comme un moyen diagnostique de certaines affections et pourrait permettre de développer de nouvelles cibles thérapeutiques. En la corrigeant, on pourrait améliorer l'évolution de certaines maladies. Des essais sont en cours pour valider des marqueurs de distinction de différentes formes de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI). « Ces études d'intervention ne font plus seulement appel aux antibiotiques, mais à la nutrition, aux probiotiques, à la transplantation fécale, confirme le Pr Philippe Marteau, du service hépatologie et gastroentérologie à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, autre coordinateur de l'ouvrage. L'alimentation a un rôle indéniable pour moduler le microbiote ; ce sont les fibres qu'il faut privilégier (apport de prébiotiques) surtout en qualité (donc en diversité) plutôt qu'en quantité. Quant aux probiotiques, seules quelques souches particulières ont pour le moment un effet attesté. Il apparaît clairement que leurs effets bénéfiques sont souches dépendants et non liés à la concentration en micro-organismes ou en nombre de souches présentes. »
Ces effets doivent être démontrés par des études cliniques contrôlées dans des indications précises. La transplantation fécale est une pratique très encadrée qui pourrait être une piste intéressante pour restaurer une biodiversité défaillante ou altérée dans certaines pathologies. Des essais sont en cours dans la maladie de Crohn, la RCH et le syndrome métabolique. Une nouvelle discipline est en train de voir le jour : la microbiothérapie autologue (donneur et receveur sont la même personne) via la transplantation fécale.
* Le microbiote intestinal : un organe à part entière. 33 chapitres. 45 auteurs. Ed. John Libbey Eurotext, janvier 2017.
D'après une conférence de presse de Biocodex.