« On ne peut pas voir le pharmacien d’officine rester en arrière car il doit jouer un rôle de facilitateur ! », affirme Éric Salat, directeur des programmes pédagogiques Think Meded et membre du Collectif interassociatif TRT-5. C’est une des idées-forces à retenir de la table ronde qui a été organisée par l’Association française des pharmaciens catholiques au dernier salon Pharmagora sur le thème : « Prescriptions et délivrances à distance, sécurité et confidentialité en jeu ». Avec lui, deux autres intervenants. Christophe Courage, avocat et membre de l’Association française du droit de la santé, a rappelé la législation qui s’est mise en place depuis 2012 pour encadrer le commerce électronique du médicament. Mais ce sont les enjeux éthiques qu’il s’est efforcé de développer. Ainsi la question de la sécurité du patient avec le risque d’usurpation d’identité. Ou celle de l’absence d’interaction pharmacien-patient avec le recours aux réponses automatisées reléguant aux oubliettes le devoir de conseil du pharmacien. Delphine Chadoutaud, pharmacienne, vice-présidente du syndicat de l’Essonne et animatrice du blog pharmaciensencolere.fr, conteste la transformation de site officinal en site exclusivement marchand, et ajoute : « La chaîne du médicament a été parfaitement sécurisée en France, mais la décision de vente de médicaments par Internet a été accueillie pour la plupart d’entre nous comme un véritable pavé dans la mare ! » Elle évoque elle aussi le risque de passer à côté d’une pathologie importante tant qu’on n’a pas le patient en face de soi. « Car rien ne peut remplacer le relationnel direct pour appréhender le maximum d’éléments qui conduisent au soin le plus adapté. »
Si certains font le choix de s’engouffrer dans ce nouveau commerce promouvant une hyperconsommation de médicaments et de produits de toutes natures, on peut aussi se demander comment profiter de ces technologies pour développer de nouveaux services. C’est ici qu’Éric Salat se réfère à son expérience personnelle : gravement malade, il a réussi à faire collaborer le pharmacien de l’hôpital dans lequel il était hospitalisé et son pharmacien de ville. Puis, sur sa demande, l’ensemble des prescriptions des médecins spécialistes transitait par l’intermédiaire des pharmaciens hospitaliers vers son pharmacien de ville, lequel assurait le lien avec le médecin traitant. C’est ainsi que « ce pharmacien a développé un rôle de facilitateur. Car, d’une part, dans chaque parcours de soin, vous êtes le passage obligé puisque vous détenez le médicament. Ce médicament qui est à la fois sésame et danger, vous en êtes l’expert pour en assurer la meilleure utilisation et éviter toute erreur. D’autre part, en vous rapprochant des patients aux pathologies lourdes (par exemple en assurant la livraison des médicaments), vous facilitez leur accès aux soins et les aidez à retrouver davantage d’autonomie ».
« C’est un rôle à reconquérir car il y a risque sur l’organisation des soins au cas où des sociétés privées interviendraient. » L’outil électronique doit être utilisé de telle manière qu’il vienne renforcer sécurisation et confidentialité des données : « La m-santé doit passer par des plates-formes localisées, avec des filtres humains, et les pharmaciens pourraient être les premiers de ces filtres. » Bel avenir pour ceux qui feront le choix de se positionner comme acteur de proximité dans cette nouvelle forme de chaîne du soin.