Selon le rapport GLASS (Global Antimicrobial Surveillance System), le premier de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) sur le sujet, 500 000 personnes ont été touchées par une infection bactérienne antibiorésistante dans 22 pays ayant fourni des données entre 2012 et 2015. Une « situation grave » qui va de pair avec la hausse de 39 % de la consommation d’antibiotiques observée
depuis 15 ans.
Lors d’un colloque organisé par l’Institut Pasteur de Paris, une centaine de chercheurs internationaux ont présenté des pistes de recherche pour lutter contre cette menace grandissante. Lors d’une session dédiée aux nouveaux antibiotiques, le Pr Brice Felden, de l’unité mixte de recherche « Régulateurs Bactériens et Médecine » à l’université de Rennes, a présenté les résultats prometteurs d’une nouvelle classe thérapeutique : les antibiotiques biomimétiques. « Nous nous sommes simplement inspirés de la nature et avons transformé des molécules pour les rendre plus actives, plus petites et moins toxiques » pour les organismes non bactériens, explique au « Quotidien » le chercheur.
Cette famille d’antibiotiques biomimétiques : Pep15, Pep16, Pep17, Pep18 et Pep19, a été conçue à partir d’une toxine dirigée contre le staphylocoque doré dont plusieurs acides aminés ont été remplacés par des analogues d’acides aminés. La toxine a ensuite été circularisée. « Nous avons ainsi augmenté leur demi-vie en évitant les dégradations des extrémités N et C terminales », explique le Pr Felden.
Frilosités industrielles
Lors de tests in vivo, une dose unique de Pep16 ou de Pep19 s’est révélée efficace contre le sepsis et les infections cutanées de souris infectées par des isolats de staphylocoques dorés résistants à la méticilline prélevés dans des hôpitaux français. Le profil de sécurité était bon et aucune résistance n’a pour l’instant été observée. Un article doit bientôt être publié avec les résultats in vivo de l’équipe du Pr Felden qui, fort de ses résultats, espère « intéresser les industriels » qui « se montrent très frileux », pour l’instant. « On est déjà allé très loin : on a le mécanisme d’action, la structure et une molécule active et inactive qui marche sur 2 modèles in vivo… C’est la limite de ce que le monde académique peut produire », ajoute le chercheur qui espère une application vétérinaire de plusieurs de ses composés.
La piste des lipides A
D’autres équipes sont plutôt à la recherche de nouvelles cibles. L’équipe du Dr Pei Zhou, du centre médical de l’université Duke étudie les enzymes bactériennes produisant les lipides A essentielles aux bactéries à gram négatif. Elle a ainsi « identifié une chaîne de 6 enzymes, au sein desquelles la cible la plus prometteuse est LpxC, la seconde enzyme de la voie de signalisation Raetz », explique le Dr Zhou.
Plus inattendu, une collaboration entre les équipes CNRS de l’université de Bordeaux, l’institut du microbiome de l’université de Cork, l’université Complutense de Madrid et l’université médicale d’Utrecht, a montré que le sulfure d’hydrogène, utilisé comme moyen de communication entre bactéries, peut être employé pour renverser les mécanismes de résistance. David Bickard, chercheur du département de microbiologie de l’Institut Pasteur (Paris) s’intéresse, lui, à l’utilisation du « ciseau moléculaire » CRSPR-Cas9 pour provoquer la mort programmée des bactéries.