« JUSQU’À PRÉSENT, l’objectif du système de santé était de guérir les maladies. Or GAFA* arrive dans le monde de la santé avec l’objectif de supprimer la mort », analyse Laurent Alexandre. Google ambitionne par exemple d’augmenter l’espérance de vie humaine de 20 ans d’ici à 2035. Pour cela, l’entreprise a créé un nombre incalculable de sociétés dans le monde de la santé, notamment Calico, destinée à plancher sur le défi de l’âge et des maladies associées. Toutes ces recherches sont portées par l’idéologie transhumaniste, « qui veut changer l’homme pour "tuer la mort" et faire émerger une intelligence artificielle supérieure à l’intelligence humaine, puis connecter les deux », explique Laurent Alexandre. Ainsi, en 2035, nous pourrions avoir des nanorobots intracérébraux pour nous connecter plus rapidement à Internet. « Même si cela nous paraît horrible actuellement, il est probable que cela soit tout à fait désirable aux yeux de nos enfants, tout comme nous acceptons aujourd’hui des choses réprouvées autrefois (fécondation in vitro, péridurale, pilule contraceptive, etc.) », souligne-t-il.
Fusionner le neurone et le transistor.
Par ailleurs, Google a flairé le filon du nombre incalculable de données de santé qui vont être générées dans les années à venir. « Entre l’Internet des objets, c’est-à-dire tous les capteurs que nous allons avoir, et la génomique, le dossier médical va être un million de fois plus volumineux dans les prochaines années. Et Google est persuadé qu’au milieu de ce déluge de données, il sera plus pertinent que les professionnels de santé », observe Laurent Alexandre. Le smartphone pourrait par exemple devenir le stéthoscope du XXIe siècle et prendre une partie importante de la valeur et du rôle des médecins et des pharmaciens en une quinzaine d’années.
Enfin, la troisième raison de l’intérêt de Google pour la santé, c’est l’arrivée à maturité des technologies NBIC. Le coût du séquençage ADN a par exemple été divisé par 3 millions en dix ans, et, pour traiter les données obtenues, des systèmes experts seront indispensables. De même, la robotique, la nanomédecine et l’intelligence artificielle sont en plein essor. « L’objectif de Google c’est d’être le leader mondial des neurotechnologies, de faire fusionner l’informatique avec la neurologie, le neurone avec le transistor, estime Laurent Alexandre. Le neurone est 10 millions de fois plus âgé que le transistor, mais dans 40 ans ce dernier aura dépassé le cerveau humain. Google veut augmenter l’espérance de vie, afin d’assurer au cerveau la durée de vie la plus longue et, objectif ultime, transférer le cerveau dans des ordinateurs. »
Cela pose de nombreuses questions : « Jusqu’où laisserons-nous la Silicon Valley manipuler notre cerveau ? Il ne faudrait pas que demain nous soyons dans un univers à mi-chemin entre 1984, Le meilleur des mondes, Minority Report et Bienvenue à Gattaca », conclut Laurent Alexandre.