À l’issue de la phase précontentieuse, plusieurs procédures peuvent être mises en œuvre par les organismes de Sécurité sociale :
- recouvrement de l'indu correspondant auprès du professionnel de santé,- plainte devant la section des assurances sociales
- plainte devant la Chambre disciplinaire
- pénalité financière, mise sous accord préalable,
La particularité du contentieux du contrôle technique est caractérisée par le principe d’indépendance des procédures, plusieurs procédures pouvant ainsi être poursuivies simultanément ou non. Ainsi, une action disciplinaire n’entrave pas la poursuite devant la section des assurances sociales [1], y compris pour les mêmes faits, et inversement [2].
De même, une action exercée à l’encontre d’un praticien devant la section des assurances sociales ne fait pas obstacle à ce qu’une action civile en réparation d’un délit ou quasi-délit soit mise en œuvre [3].
De même également, l’éventuelle application d’une pénalité financière ne fait pas obstacle à la saisine de la section des assurances sociales, lorsque les griefs relevés à l’encontre du pharmacien constituent également des fautes, fraudes ou abus visés à l’article L 145-1 du Code de la Sécurité sociale, alors qu’elle exclut la mise en œuvre de sanctions conventionnelles (article L 162-1-14, IV du CSS).
Seule une action conventionnelle (voir supra) est exclusive d’une action en répétition de l’indu.
CONSEILS PRATIQUES :
1) il ne faut jamais négliger une demande en recouvrement d’indu qui peut augurer d’autres contentieux.
2) l’opportunité de contester une notification d’indu ne s’apprécie pas seulement en fonction du montant de l’indu réclamé, mais également en fonction de l’importance dans l’exercice professionnel, du grief invoqué
3) une tentative de règlement amiable avec la caisse, à la suite de la notification d’indu ne doit pas vous faire oublier de formaliser les recours dans les délais prévus pour élever une contestation. Il est également prudent, si un accord est trouvé avec la caisse, de le formaliser par écrit à titre de preuve.
I- OBJET DU CONTENTIEUX
En cas d'inobservation des règles de facturation des produits, donnant lieu à remboursement, ou en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un produit non délivré, l’organisme d’assurance maladie peut agir en recouvrement de la somme indûment payée [4]. L’action en recouvrement de l’organisme social se prescrit par trois ans à compter de la date du paiement de la somme indue.
II- PREMIÈRE PHASE DU CONTENTIEUX
L’action en recouvrement s’engage par l’envoi au professionnel d’une lettre motivée en Recommandé avec accusé de réception, lui notifiant le montant réclamé (voire par remise en mains propres contre récépissé, ou par un mail si un accusé de réception permet d’en attester la bonne réception).
La notification de payer
Cette notification doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, ainsi que la date des versements indus donnant lieu au recouvrement. Cette notification mentionne également l’existence d’un délai de 2 mois à partir de sa réception, pour que le débiteur s’acquitte des sommes réclamées. Elle informe également le débiteur, qu’à défaut de paiement dans ce délai, il sera mis en demeure de payer l’indu avec une majoration de 10 %. L’intéressé a un délai de 1 mois à compter de la réception de la notification pour faire des observations écrites.
Ainsi, à ce stade, le pharmacien a trois possibilités :
- soit payer la pénalité immédiatement
- soit saisir la commission de recours amiable de la CPAM (ce qui peut lui éviter, le cas échéant la mise en demeure et la pénalisation de 10 %)
- soit ne rien faire et attendre qu’une mise en demeure lui soit notifiée.
La mise en demeure
En l’absence de remboursement de l’indu dans le délai de deux mois, et en cas de désaccord avec les observations de l’intéressé, ou après notification de la commission de recours amiable, une mise en demeure est adressée au pharmacien [5].
La mise en demeure, généralement faite par courrier RAR (mais pouvant être remise contre récépissé, ou par un mail si un accusé de réception permet d’en attester la bonne réception) doit comporter :
- la cause, la nature et le montant des sommes réclamées,
- la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement,
- le motif, le cas échéant, qui a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées,
- le montant de la majoration de 10 % afférentes aux sommes encore dues,
- le délai de saisine de la commission de recours amiable prévue à l’article R 142-1 du Code de la sécurité sociale.
Si le paiement de l’indu a été entièrement payé dans le délai d’un mois suivant la date d’envoi de la mise en demeure, la majoration de 10 % peut faire l’objet d’une remise par le directeur de l’organisme de Sécurité sociale à la demande du débiteur de bonne foi, ou si le montant de l’indu est inférieur au seuil fixé par arrêté du ministre chargé de la Sécurité sociale.
Ainsi, à ce stade, le pharmacien a trois possibilités :
- soit payer la mise en demeure immédiatement,
- soit saisir la commission de recours amiable de la CPAM (s’il ne l’a pas déjà fait) dans le délai d’un mois (et non plus deux [6]),
- soit ne rien faire et attendre qu’une contrainte lui soit notifiée.
La contrainte
Lorsque dans le délai de 1 mois à compter de sa notification, la mise en demeure est restée sans effet, le Directeur de l’organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant le TASS (tribunal des affaires de Sécurité sociale), comporte tous les effets d’un jugement, et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire.
La signification de la contrainte sera effectuée par un huissier de justice [7], ou par lettre Recommandée avec accusé de réception.
À ce stade ultime, le pharmacien n’a plus qu’une alternative :
- soit payer le montant indiqué dans la contrainte,
- soit saisir le TASS en formant opposition.
III- PHASE CONTENTIEUSE DEVANT LE TASS
L’opposition constitue la voie de recours à l’encontre de la contrainte. Si le pharmacien peut formaliser lui-même opposition à l’encontre d’une contrainte devant le TASS, il doit impérativement respecter certaines conditions :
- l’opposition doit être formalisée devant le TASS dans le ressort duquel il est domicilié (par exemple, pour un pharmacien domicilié à Sète, le TASS compétent est celui de Montpellier)
- l’opposition doit être faite soit directement par inscription au greffe du TASS, soit par Lettre RAR adressée au secrétariat du TASS
- l’opposition doit être faite dans le délai de 15 jours de la signification de la contrainte par voie d’huissier (ou de la réception de la lettre RAR)
- l’opposition doit enfin être motivée, ce qui signifie qu’il faut expliquer les raisons pour lesquelles la contrainte est contestée.
Les parties sont convoquées 15 jours au moins avant la date d’audience, et sont généralement convoquées par lettre RAR.
Le pharmacien peut comparaître personnellement ou se faire représenter soit par un confrère, soit par un avocat.
CONSEILS PRATIQUES :
1) même s’il s’agit d’une procédure orale, et même si l’opposition indique les raisons de votre recours, il est vivement conseillé de déposer un argumentaire écrit détaillé, en complément de l’opposition motivée.
Par souci de respect du contradictoire, il convient d’adresser cet argumentaire écrit, ainsi que toute pièce dont vous entendriez vous prévaloir, à l’organisme de sécurité sociale directement.
2) la procédure étant orale, il vous est toujours possible de développer de nouveaux moyens à l’audience, dès lors qu’ils auront été débattus contradictoirement.
Il est vivement conseillé de répondre à chacun des griefs de manière très précise. Si le TASS ne s’estime pas suffisamment éclairé, il peut ordonner, avant de statuer sur le fond, une mesure d’instruction ou une mesure d’expertise. C’est le cas lorsqu’apparaît une difficulté d’ordre technique portant sur l’application et l’interprétation de la NGAP ou CCAM, sur la conformité aux données acquises de la science.
IV- RECOURS CONTRE LES JUGEMENTS DU TASS
La lettre de notification du jugement du TASS, tout comme l’arrêt d’appel, mentionne de manière expresse les modalités de recours possibles (appel ou pourvoi, et éventuellement mais rarement opposition).
L’appel
Les jugements rendus pas le TASS sont susceptibles d’appels dès lors que l’intérêt du litige est supérieur à 4 000 €, ou si le montant des demandes ne peut être déterminé.
Les jugements avant dire droit, ordonnant une mesure d’instruction ou une enquête, ne sont pas susceptibles d’appel immédiat, et ne pourront l’être qu’avec le jugement au fond.
L’appel peut être interjeté dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement et doit être fait au greffe de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle est situé le tribunal qui a rendu la décision attaquée [8]. L’appel est suspensif, ce qui signifie que les condamnations prononcées par le TASS ne pourront être exécutées le temps de l’appel.
Le greffier de la Cour convoquera les parties à l'audience prévue pour les débats, dès sa fixation et quinze jours au moins à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et leur adressera le même jour, par lettre simple, copie de cette convocation. De même que devant le TASS, il s’agit d’une procédure sans représentation obligatoire : cela signifie que les parties peuvent se défendre elles-mêmes, et que la procédure est orale.
Le pourvoi en cassation
Les jugements rendus pas le TASS sont susceptibles d’un pourvoi uniquement si l’intérêt du litige est inférieur à 4 000 €, ou si le litige porte sur une remise de majoration de retard et de pénalité. Le délai pour formaliser un pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification du jugement par la TASS (ou de l’arrêt par la Cour).
La Cour de cassation peut déclarer non admis le pourvoi et le déclarer d’emblée irrecevable, si elle estime qu’il est manifestement dénué de moyens sérieux. La Cour de cassation statue, quoi qu’il en soit, toujours en droit, et non en fait : elle ne vérifie donc que la bonne application de la règle de droit aux faits qui lui sont soumis, mais sans jamais pouvoir discuter desdits faits eux-mêmes.
Soit la Cour de cassation rejette le pourvoi, soit elle casse la décision et renvoie alors l’affaire devant une cour d’appel ou un TASS pour qu’il soit jugé à nouveau en fait et en droit.
1] L 416-5 du code de la Santé publique2] CE, 15 févr. 1961, n° 25327 : Rec. CE 1961, p. 127.
3] ainsi, l’article 4126-5 du code de la Santé publique prévoit qu’un professionnel qui fait l'objet de poursuites disciplinaires devant la section des assurances sociales pour prescriptions abusives de médicaments, peut voir sa responsabilité mise en jeu sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, en vue de la réparation du préjudice subi par les caisses de Sécurité sociale, outre les pénalités financières qui peuvent lui être infligées sur le fondement de l'article L. 162-1-14 du code de la Sécurité sociale.
4] Article L 133-4 du code de la Sécurité sociale
5] R 133-9-1 du CSS
6] R 142-1, alinéa 3 du CSS
7] R 133-3 du CSS
8] CSS, art. R. 142-28, al. 6.