LE CONGRÈS national des pharmaciens 2014 pourrait être celui de la mobilisation. « Nous appelons tous les confrères à participer à ce congrès », lance Albin Dumas, président de l’Association de pharmacie rurale (APR), co-organisatrice de l’événement*. « Le PLFSS est particulièrement inquiétant, explique-t-il. Rien ne justifie la pression qu’on nous impose, l’ONDAM** médicament ayant été respecté. » Selon lui, cette nouvelle pression va aggraver encore les effets négatifs que toutes les officines ressentent déjà. « À un moment où rien n’aboutit, il est temps que le pharmacien se prenne en main », déclare pour sa part Thierry Barthelmé, président de l’UTIP, pour qui « seule la compétence perçue par les patients a une chance de sauver la pharmacie ». « C’est une période très difficile et le congrès représente un élément important de soutien pour nous », estime de son côté Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Un retard insoutenable.
En effet, le retard pris dans la mise en place de l’honoraire de dispensation devient insoutenable pour les pharmaciens. « Il faut que la rémunération devienne mixte », insiste Philippe Gaertner, qui souligne que la base n’en peut plus d’attendre. Pour le président de la FSPF, la séance de négociations avec l’assurance-maladie du 10 octobre est la réunion de la dernière chance (voir également notre article ci-dessous). Car, compte tenu des mesures d’économies prévues par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014, il y a urgence à passer à un mode de rémunération déconnecté le plus possible des prix et des volumes des médicaments. En effet, sur les 2,4 milliards d’euros d’économies demandées à l’assurance-maladie, le poste Médicament est appelé à contribuer à hauteur de 960 millions d’euros, voire d’1,3 milliard d’euros si l’on compte les efforts attendus sur les tarifs des dispositifs médicaux. À titre de comparaison, ces économies atteignaient 945 millions d’euros l’an passé, rappelle Philippe Gaertner. Et les baisses de prix concernant des spécialités inscrites au répertoire des génériques représentent 605 millions d’euros, soit pratiquement les 2/3 des efforts demandés au poste Médicament. Conséquence pour l’officine : une perte de marge d’au moins 300 millions d’euros rien qu’avec les baisses de prix. « C’est extrêmement lourd », s’inquiète le président de la FSPF, qui déplore que les mesures d’économies pèsent essentiellement sur les médicaments génériques. Du coup, la FSPF a décidé de boycotter la réunion du comité de suivi des génériques du 3 octobre. « Participer n’a aucun sens, on ne peut pas cautionner ces baisses, souligne-t-il. C’est un cri d’alarme vis-à-vis des pouvoirs publics. »
Une stratégie pour la pharmacie.
Au-delà du PLFSS 2014, d’autres mesures irritent le président de la FSPF, comme l’autorisation, adoptée par le Sénat, de vendre des tests de grossesse hors des pharmacies. « C’est une réelle erreur », martèle-t-il. Et de souligner qu’une telle modification du monopole relève d’une loi de Santé publique et non d’une loi sur la consommation. « Notre combat, n’est pas un combat économique », affirme Philippe Gaertner. En effet, argumente-t-il, les réalités du terrain sont bien différentes : la vente en supermarché ne permet pas de donner les explications indispensables à la bonne utilisation de ces tests, empêche d’orienter vers une autre prise en charge, comme la pilule du lendemain, et ne respecte en aucun cas la confidentialité. Mais la bataille ne semble pas perdue, de nombreux parlementaires étant convaincus du bien fondé de maintenir les tests de grossesse en pharmacie.
Ce qui, d’ailleurs, ne serait pas en contradiction avec la stratégie nationale de santé présentée récemment par Marisol Touraine (« le Quotidien » du 26 septembre) et dans laquelle les officinaux ont toute leur place. En particulier en ce qui concerne les volets prévention, soins de premiers recours et accompagnement des malades chroniques. « Il y a de vrais enjeux pour la pharmacie », en convient Philippe Gaertner, qui appelle ses confrères des territoires concernés par des projets à y participer. « Nous avons déjà un rôle dans l’accompagnement des patients avec la convention signée l’an passé », rappelle le président de la FSPF. « Cette stratégie nationale de santé offre des vraies opportunités aux professionnels libéraux, conclut-il. Mais il faut être force de proposition. » Le Congrès des pharmaciens de Lyon sera l’occasion de montrer que la profession saura répondre présent.
**Objectif national des dépenses d’assurance-maladie.