Cette année, au congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), sur les 5 056 communications programmées, 426 sont signées par au moins un auteur affilié à une entité de recherche française, révèle l’Institut National du Cancer (INCa).
« La France est le premier pays européen en termes de nombre de présentations », juste devant le Royaume-Uni (403) et l’Allemagne (381), se félicite l’agence sanitaire. Par comparaison la Chine comptabilise 518 présentations.
La recherche française se distingue en termes de quantité mais aussi de qualité. L’une des quatre communications présentées en session plénière (plenary session), la catégorie la plus prestigieuse, est signée par l’équipe française coordonnée par les Prs Arnaud Méjean et Alain Ravaud.
Une recherche dynamique et innovante
L’étude CARMENA publiée concomitamment dans « The New England Journal of Medicine » montre que, dans le carcinome rénal métastatique, une prise en charge expérimentale sunitinib seul fait aussi bien que le standard sunitinib après néphrectomie cytoréductive.
Dans la session des abstracts oraux, 209 sont présentés par des chercheurs français. L’INCa attirant l’attention en particulier sur des travaux dans le cancer du pancréas (études PRODIGE35-PANOPTIMOX, PRODIGE 37-FIRGEMAX, PRODIGE24/CCTGPA.6) et en hématologie (l’étude LYSA de désescalade thérapeutique dans le lymphome de Hodgkin, l’étude ENESTop montrant la rémission à long terme après traitement par nilotinib dans la leucémie lymphoïde chronique).
Sera présenté également, dans le cancer du côlon, le test Immunoscore mis au point par des chercheurs de l’INSERM, de l’Université Paris Descartes et des médecins de l’AP-HP. Ce test s’avère efficace pour identifier les patients à haut risque de récidive tumorale, qui sont susceptibles de bénéficier d’un renforcement thérapeutique après la chirurgie. Ce test quantifie dans la tumeur la densité en lymphocytes T totaux (CD3+) et en lymphocytes tueurs (CD8+ cytotoxiques). Les résultats sont publiés en même temps dans « The Lancet ».
Toujours pour la recherche en France, 69 communications font le point sur des travaux menés au sein des centres labellisés INCa de phase précoce (CLIP) - sur les 16 labellisés, 6 sont à valence pédiatrique - et 64 sur des travaux menés dans 5 des 8 sites de recherche intégrée sur le cancer (SIRIC) - SOCRATE (IGR), CURIE, CARPEM (AP-HP), Montpellier, LYric à Lyon.
Le crizotinib dans le projet AcSé
Le projet AcSé crizotinib, lancé en 2013, promu par Unicancer et soutenu par la Fondation ARC, a fait l’objet d’une présentation le 1er juin par le Pr Gilles Vassal, directeur de la recherche clinique de Gustave Roussy et investigateur principal.
Ce projet basé sur un diagnostic moléculaire a pour objectif de tester dans un essai clinique de phase II le crizotinib dans d’autres cancers que celui du poumon non à petites cellules (CPNPC) présentant une altération du gène ALK. Le crizotinib agit en effet sur trois cibles moléculaires ALK, MET et ROS1, qui sont présentes dans plus d’une quinzaine de cancers.
Égalité d’accès aux innovations, sur tout le territoire, quel que soit l’âge, description affinée de l’épidémiologie moléculaire, accès sécurisé au traitement dans le cadre d’un essai, résultats d’efficacité et de non efficacité pour sélectionner les patients, « Les objectifs du programme AcSé de l’INCa ont tous été atteints », a souligné le Pr Vassal.
Afin d’identifier les patients candidats, un test moléculaire a été réalisé chez plus de 13 000 patients sur l’une des 28 plates-formes de génétique. L’essai a inclus 246 patients, âgés de 1 à 92 ans, issus de 198 centres en métropole et en outre-mer, et dont la tumeur présentait une des cibles de la molécule.
Au final, le crizotinib apporte un bénéfice dans d’autres types de cancers du poumon, dans des lymphomes anaplasiques (adulte et enfant), dans les sarcomes inflammatoires (adulte et enfant), ainsi que dans certains cancers gastriques et des tumeurs très rares chez l’enfant. Le crizotinib s’est en revanche révélé inactif dans les cancers du côlon présentant une amplification de MET. L’étude a par ailleurs mis en lumière sur le plan épidémiologique l’extrême rareté des translocations de ALK dans le cancer du sien (1 patiente sur 500).
Les immunothérapies à l'actualité brûlante
Au-delà de la France, l’INCa insiste sur l’intérêt majeur de suivre l’actualité des inhibiteurs de points de contrôle, ces médicaments de rupture dans plusieurs cancers, « compte tenu de leur développement clinique intense », est-il indiqué. De nombreuses sessions leur sont consacrées, sur les nouvelles combinaisons, l’effet abscopal en association à la radiothérapie, la place du pembrolizumab en première ligne dans le cancer bronchique non à petites cellules (cf ci-contre), la gestion des effets indésirables.
L’INCa se dit très attentive à l’immunothérapie CAR-T cells, « compte-tenu de leur arrivée imminente sur le marché français et européen », explique l’agence. Deux thérapies géniques sont déjà autorisées aux États-Unis depuis 2017 dans des hémopathies à cellules B, le Kymriah (Novartis) et le Yescarta (Gilead). L’INCa annonce piloter d’ores et déjà des travaux pour anticiper leur emploi en France. À l’ASCO, 25 communications seront présentées, notamment dans la leucémie aiguë lymphoblastique, le myélome multiple et le neuroblastome.