À l'été 2016, l'épidémiologiste de l'institut Gustave-Roussy, Catherine Hill, avait déjà livré ses premières estimations concernant le nombre d'enfants victimes de la Dépakine prise par leur mère pendant sa grossesse : 12 000. Elle affine les résultats et annonce désormais pouvoir « raisonnablement estimer » ce nombre à 14 000.
L'originalité de la démarche de Catherine Hill est de choisir d'intégrer son étude à un livre grand public, écrit par la présidente de l'association de défense des victimes du valproate de sodium (APESAC) Marine Martin, « Dépakine, le scandale. Je ne pouvais pas me taire ». Un livre préfacé par Irène Frachon, qui elle aussi avait choisi de s'adresser au grand public plutôt qu'à ses pairs lorsqu'elle a dévoilé l'affaire du Mediator.
À l’heure actuelle, aucune estimation officielle exhaustive n'est disponible. En février 2016, l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) a publié un rapport évaluant « entre 425 et 450 » le nombre d'enfants exposés au valproate in utero et nés avec des malformations entre 2006 et 2014. Les derniers chiffres publiés par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l'assurance-maladie datent d'août 2016. Ils font état de 14 322 femmes exposées au valproate de sodium pendant leur grossesse entre 2007 et 2014, ayant donné naissance à 8 701 enfants nés vivants. Les deux instances poursuivent leurs analyses pour évaluer le nombre d'enfants nés avec des malformations physiques après une exposition à un antiépileptique entre 2011 et 2014.
Pour estimer le nombre global de victimes, Catherine Hill s'est appuyée sur les données disponibles - à savoir les ventes du médicament depuis 1983, le nombre de grossesses et de naissances entre 2007 et 2014 - et a extrapolé à l'ensemble de la période en partant du principe que 40 % des enfants exposés au valproate sont nés avec des problèmes physiques et/ou neurodéveloppementaux. Elle précise que cette estimation de 14 000 victimes reste « prudente » car elle part de l'hypothèse que le rapport entre le nombre de boîtes vendues et le nombre de grossesses sous valproate entre 1967 et 2006 était le même qu'en 2007. Mais « il est possible qu'il y en ait eu plus », le risque tératogène étant d'abord inconnu, puis peu pris en compte. Ce n'est que fin 2014 que l'Agence européenne du médicament a recommandé de renforcer les restrictions d'usage du valproate et de ses dérivés chez la femme enceinte, une recommandation mise en place en mai 2015 en France (lire notre article « abonné »).